L'important c'est le voyage, pas la destination

mardi, août 25, 2009

Écosse - Première semaine de quatre.

29/06
Glasgow - 21 km.
Arrivée!

C'est sur les ailes d'Air Canada que nous quittons Montréal. Après force calculs et moult recherches, il nous est apparu qu'il s'agissait là du transporteur le plus efficace, nonobstant deux correspondances et... 1348 billets du Dominion! Les plus sensibles à l'économie comprendront que j'ai songé à changer ma destination pour une plus abordable, quoique tout aussi exotique, soit Chapais. Finalement, les trucks de pitounes, les mouches noires et les épinettes me raviront une autre fois!

Le vol s'est bien déroulé. La nourriture végétarienne était correcte et le choix de pièces musicales et de films bien intéressant. Hélas, je n'ai point réussi à trouver le sommeil. L'excitation d'une nouvelle aventure sans doute. C'est donc en bâillant que je pose le pied en Écosse. Piètre attitude pour qui veut conquérir une terre sauvage.

Nous récupérons les bagages et, ô joie, tout semble être arrivé en bon état. Reste à remonter nos vélos. Nous déballons, remontons, boulonnons, baîllons, sacrons, démontons, remontons à nouveau pour finalement obtenir un résultat, ma foi fort satisfaisant. Un premier test de réussi. L'expérience aidant, nous avions tous les outils nécessaires à l'opération.

Une piste cyclable permet de quitter l'aéroport de Glasgow en toute sécurité pour rejoindre la route A108. C'est une surprise, car nous avons demandé l'avis de plusieurs préposés, chauffeurs de taxi et autres philanthropes personnages et nul ne connaissait cette route. Ami cycliste, retiens cette précieuse information.

Il s'agit de ma première ballade en sol anglais. La conduite à gauche s'avère aisée. Il faut dire que mon guidon est muni d'un rétroviseur me rappelant constamment où je dois me tenir. Par contre, l'étroitesse de la route m'inquiète quelque peu. La population de Glasgow s'élevant à plus d'un demi-million de personnes, ça fait quelques automobiles, camions et autobus à deux étages avec qui partager la route! La qualité de la chaussée me rappelle aussi celle de Montréal, ce qui contribue à mon énervement. Et puis, je ne sais quelles sont les habitudes cyclistes locales. Faut-il respecter la règle et rouler avec les véhicules moteurs ou sur les trottoirs avec les piétons? Un cycliste m'indique les us et coutumes et me voilà rassuré. Tel un bon anglo-saxon, je respecterai la loi et finirai écrasé, mais dans mon droit. Je m'engage dans mes premiers carrefours giratoires avec une foi à la hauteur de ma chair de poule.

Pendant que les Québécois ragent sous la pluie, il fait ici 30 degrés sous un généreux soleil. Lunettes et crème solaire sont nécessaires! Après un pique-nique sur les pelouses de l'Hôtel de Ville, nous prenons un peu de frais dans l'extraordinaire Cathédrale de St-Mungo. Un bâtiment impensable pour les Nord-américains que nous sommes. La nef semble sans fin, autant en longueur qu'en hauteur. Les vitraux me laissent bouche bée, comme une foultitude d'autres détails. La nécropolis n'est pas sans intérêt non plus; un endroit qui ferait frémir les plus braves une fois la nuit tombée.

Une première visite dans une épicerie et destination notre hôtel, soit chez Adrian, un confrère cyclotouriste qui a traversé les États-Unis en 2008, parcourant 7500 kilomètres en disputant une partie de Scrabble tous les jours avec des adversaires différents :
http://scrabbletravel.blogspot.com/

Respect!

Notre hôte est fort sympathique. Son anglais n'est pas difficile à comprendre et nous passons un bon moment à discuter autour d’un repas bien arrosé. Ensuite, il souhaite absolument regarder un match de tennis qui ne finira qu'un peu après minuit. Aussi fatigué que poli, je m'évanouis dès que la télé est éteinte. Zzz...


30/06
Glasgow - 0 km.
Découverte de Glasgow à pieds.

La nuit fut réparatrice, mais trop courte. Je ne peux qu'abdiquer mon futon devant la puissante insistance de l’astre solaire. Bon, je dormirai quand je serai mort. L'objectif du jour est le Kelvingrove Museum, réceptacle du célèbre "Christ de saint Jean de la croix" de Dali. Une toile audacieuse du maître. Même si le chef-d’œuvre justifie la visite, le reste de l'exposition est plus discutable. Quelques pièces intéressantes dans un relatif capharnaüm. Enfin, à cheval donné on ne regarde pas la bride, l'entrée est gratuite après tout...

L'architecture de Glasgow a quelque chose du Vieux-Montréal. Nous ne sommes pas complétement dépaysés, à en être un peu déçu quelque part. Heureusement, le prix des aliments, la taille des voitures et surtout le peu de charme des Écossaises nous rappellent que nous sommes bien loin du Québec. Non ce pays n'est pas pour le vieil homme possédé par le démon du midi.

Adrian nous accepte pour une autre nuit. Alain s'emploie à cuisiner un bon repas de poisson et nous employons une partie de la soirée à reviser notre itinéraire. Nous faisons la rencontre de Chris, une expatriée des Shetland. Quel accent! On croirait entendre la sagouine en anglais! Subjugué, j'ai la bonne idée d'enregistrer sa voix sur vidéo. Quelle souvenir! Cette jeune fille est le fantasme du linguiste. Adrian nous invite au pub pour un jeu questionnaire/bière. Alain m'y représentera, je ne pense qu'à dormir. Dommage.


01/07
Ardbeg - 73 km.
Il faut croire que le décalage horaire et le stress du nouvel environnement ont eu raison de moi, car ce n'est qu'à 9 h 30 que je sors du lit. Alain a lui aussi fait la grasse matinée. Après un bon déjeuner, nous quittons notre hôte à 11 h (encore sous le soleil)! Nous suivons la rivière Clyde sur une sympathique piste cyclable. On se perd un peu ce qui n'entame pas notre bonne humeur. Sur la route, la chaussée est bonne. Ce sera notre premier traversier et notre premier camping écossais.


02/07
Lochgilphead - 98 km /191 km.
Cette fois-ci, j'ai été plus sage et sors de mon sac de couchage à 8 h. Mon corps a bien enduré la journée cyclotouriste d'hier. Pas de douleur nulle part. Hourra!

De nouveau en selle, c'est avec appréhension que j'embarque sur la route étroite et dépourvue d'accotements. Heureusement, je suis agréablement surpris du comportement courtois des automobilistes. Ces derniers ne nous klaxonnent pas, attendent sagement les moments les plus propices pour effectuer leurs dépassements, qu'ils réalisent à basse vitesse en prenant bien soin de se tenir loin de nous. Bien difficile de savoir si ce sont les routes sinueuses, la mentalité anglo-saxonne ou les photos radars qui ont découragé efficacement la conduite à grande vitesse. Peu importe, je me sens ici en sécurité en vélo.

En milieu de journée, nous avons droit à notre première douche écossaise. Une petite pluie se transforme rapidement en généreux orage. Nous revêtons nos équipements de protection (appelés étuves portatives par mon compagnon de voyage). Ce ne sera pas la dernière fois...

La journée est assez longue, car nous pédalons longtemps, enfin, comparativement à hier. Le château d'Inveraray nous procure un divertissement avant d'atteindre notre deuxième camping.


03/07
Oban - 61 km / 252 km.

Une fois de plus, les routes sont toujours étroites et il n'y a aucun accotement. Et dire qu'aux États-Unis il est souvent possible de rouler côte à côte sans crainte! Une fois de plus, je constate avec joie le civisme des automobilistes, rendant nos déplacements aisés. Je me sens bien loin des fous du volant québécois!

À Kilmartin, le musée est quelque peu décevant. Quelques pierres gravées sauvent l'arrêt.

Nous avons droit à nos premières pentes accentuées dont les montées flattent notre ego. À ce chapitre, la route est relativement facile somme toute. Les paysages sont agréables, on commence à se sentir en terre étrangère.

La pluie tombe sans relâche, on s'offre donc un B&B. Ne sachant lequel retenir, je prends l'initiative de demander à un brave chauffeur de taxi qui nous fait une excellente recommandation. À 16 £ par personne, nous dormirons au sec, chacun dans un lit bien douillet et on nous cuisinera un déjeûner. En passant, combien vaut une livre sterling présentement? Pratiquement deux dollars canadiens. Bon, revenons à notre gite. La propriétaire, Catherine, nous permet de ranger nos vélos dans son garage. J'en profite pour étendre nos effets afin qu'ils sèchent. Ensuite, ce sera un excellent chili accompagné de vin rouge pour terminer agréablement cette journée.


04/07
Strontian - 82 km / 333 km.
Ce matin, j'ai droit à mon premier déjeuner anglais. Je tente l'expérience avec curiosité et ne peux que reconnaître que la cuisine anglaise mérite bel et bien son épouvantable réputation. Quelle horreur! Mon assiette est composée de jambon bien gras, de bacon, de saucisses suintantes de graisse, d'oeufs trop cuits coulants de gras et de tomates chaudes. L'ensemble flotte dans une mare de graisse. Vous ai-je dit que c'était gras? Allez donc savoir pourquoi, cet adipeux spectacle provoque la réminiscence de Nietzsche « À force de regarder la graisse, c'est la graisse qui finit par nous regarder ». Quelques rôtis de pain blanc et un thé trop fort s'assurent d'assassiner tout intérêt gastronomique. C'est franchement dégoûtant. La faim d'un cycliste est grande, aussi j'avale quand même, regrettant chaque lubrifiante bouchée.

Chargés de protéines et de lipides, nous affrontons le trafic routier d'Oban dont, une fois la ville derrière nous, prend une dimension plus modeste. Aujourd'hui, nous avons droit à des paysages réellement superbes, à l'image de ceux des films hollywoodiens (Braveheart, Highlander, etc.). Je vous assure que ça vaut vraiment le déplacement. Fans de Monthy Pythons, nous reconnaissons le Castle Stalker. Bref, c'est une belle journée. Notre camping y sera inversement proportionnel, mais bon, on s'en fout un peu. Il est simplement regrettable de constater qu'un aussi bel environnement ne soit pas plus inspirant pour certains.

Anecdote scientifique, c'est bien ici que l'élément strontium a été reconnu, nommé en l'honneur de la ville de Strontian. Voilà de quoi épater vos amis dans les soirées mondaines.


05/07
Près de Broadford - 103 km / 436 km.
Quelques gouttes au matin nous rappellent que nous ne sommes pas dans le désert du Nevada. Non ce pays n'est pas pour le vieil homme qui n'aime pas l'humidité. Ma tente MSR Hubba Bubba permettant de s'asseoir, mais sans plus, nous prenons d'assaut la buanderie du camping afin de manger relativement confortablement, et bien sûr, au sec. Repus, nous partons contents. La route est magnifique jusqu'à Lochailort, les sous-bois sont magiques. Un autre bateau pour aujourd'hui, le traversier de Mailag.

Puisque la pluie est forte en fin de journée, nous optons à nouveau pour un B & B. N'ayant pas de chauffeurs de taxi disponibles, nous cognons à plusieurs portes. Cette fois-ci, l'accueil n'est pas toujours très aimable. On va même jusqu'à nous demander de quitter une propriété. Notre allure de cyclistes incommoderait-elle les indigènes? Nous réussissons tout de même à dénicher un accueillant Écossais, qui, en échange de 25 £ par personne, nous reçoit avec le sourire. Selon notre hôte, certains de ses compétiteurs ne sont pas Écossais, mais Anglais, ce qui expliquerait la différence. Ah bon. Une bonne douche, une bonne soupe, une bonne bière et me voilà satisfait. Puisque nous avons une chambre, nous en profitons pour rédiger des cartes postales, consulter des cartes routières et des horaires de traversiers afin de planifier la suite de notre périple.