L'important c'est le voyage, pas la destination

lundi, juin 28, 2010

La malédiction du décapité ou le retard du contenant moutarde.

23/06
Ottawa - 11 km / 11 km.

Pour la première expérience cyclotouriste de Michèle, nous projettons de parcourir le côté sud de la rivière Ottawa entre la capitale canadienne et notre bien aimée Montréal. Facile me dis-je. Voilà un tracé peu vallonné, quoiqu'anglophone, à tout le moins principalement rural. Avec un peu de chance, nous aurons le vent dans le dos. Et puis, nous pourrons nous moquer de ces Ontariens en labeur le jour de la St-Jean Baptiste.

En ce mercredi donc, nous revenons au plus vite du travail pour finaliser nos préparatifs. Alors que j'ai à peine fini les sandwichs pour le souper, le premier coup du sort nous frappe: le taxi est en avance! Vite, les vélos, les sacs, les souliers, les casques... Vroum, nous voilà partis. Au terminus d'autobus, tout se passe bien et c'est dans l'insouciance la plus complète qu'on se laisse emporter vers Ottawa.

Une fois rendus, le drame se révèle: nous avons oublié le sac contenant la tente et les matelas de sol! Heureusement, pour ce premier soir, c'est Paola, contactée par l'entremise de Warmshower, qui nous héberge. C'est soucieux que nous remontons les bicyclettes. Une fois la tâche complétée et les sacoches installées, nous partons du mauvais côté! Nous arriverons chez notre hôtesse un peu tard... Elle se montre aussi généreuse que compréhensive. Merci, ça fait du bien.

Une fois les présentations terminées, nous passons à l'opération "L'affaire est dans le sac". Par l'entremise du Blackberry de la belle moitié de votre sympathique duo, des appels à l'aide sont lancés. Pas de réponses dans l'immédiat. Nous sombrons dans le sommeil.


24/06
Cumberland (village historique) - 41 km / 52 km.

Au matin, c'est Danièle, femme au coeur d'or, qui la première se manifeste. Elle demande à son copain David de nous rendre le service. Au final, le sac devrait être au terminus d'Ottawa à 13h30. Bon, une demi-journée de perdue, ce n'est pas si mal. Merci David!

Après le déjeûner en compagnie de Paola, cette dernière fait un bout de route avec nous. Il faut dire que c'est une cycliste chevronnée qui roule même l'hiver. Pfft, nous avons encore des croûtes à manger! Bon, nous allons flâner au marché public. Fait intéressant, on peut y laisser son vélo sous surveillance. Même les sacoches sont entre bonnes mains. Pour rendre le voyage plus intéressant, le ciel se couvre et finit par laisser tomber des gouttes aussi peu timides que nombreuses. Alors que nous quittons en vélo, la pluie devient si forte qu'il faut prendre refuge. Le vent se mêle de la partie. Quelle tempête! Mais qu'avons-nous fait pour nous mériter le courroux des dieux?

Parenthèses: Je regarde un enfant et me dit qu'il y a longtemps que je n'ai couru sous la pluie, un hamburger à la main.

C'est dans ce décor dantesque que nous franchissons les quelques centaines de mètres séparant notre abri du terminus. Il est 13h40, ne reste plus qu'à prendre le sac. Mais il n'est pas là! Le préposé nous indique qu'il arrivera par le prochain autobus, 45 minutes plus tard... On tourne en rond, on sèche, oh, là, là. Que de temps perdu. À 14h15, toujours pas de sac. Grrr! Il n'apparaîtra qu'à 16h30. À cette heure ci, les routes sont congestionnées. C'est pénible. Michèle avance plus vite en marchant sur le trottoir, que moi en vélo parmi les véhicules. Il y a de la construction. Au moins, il ne pleut plus. Enfin, nous pédalons sur Sussex Drive, passant devant la résidence du premier ministre, celle de la gouverneur générale, puis atteignons une excellente piste cyclable qui nous permet de quitter Ottawa.

Il ne reste plus que quelques heures d'ensoleillement et nous ne savons encore où nous coucherons. Pas de campings, pas de gites, pas d'hôtels ni de môtels. Rien. On nous recommande Petri Island, une plage où il apparaît certain que nous serons délogés par la sécurité de l'endroit. Finalement, c'est derrière l'aréna du village historique de Cumberland que nous dresserons la tente. Pour la première nuit de camping de Michèle, ça commence bien. Un million de maringouins lui souhaitent la bienvenue dans le monde de l'itinérance. On se glisse dans les sacs de couchage vers 23h00...

00h00, Michèle me réveille! Des bruits de voix dans le parc adjacent à l'aréna! Je suppose des jeunes Ontariens désoeuvrés et comprend l'inquiétude de ma douce compagne. S'ils nous découvrent, nous pourrions subir des sévices épouvantables. Par exemple, se faire vanter les vertus du fédéralisme, devoir louanger l'unifolié ou même être obligé de boire de la bière "Canadian". Vous comprendrez qu'il n'est plus possible de dormir sous tant de stress. Après une heure d'attente, nos bruyants voisins quittent en auto. Pour être certains de leur départ, nous examinons les lieux. Plus personne. Zzz...


25/06
L'orignal - 85 km / 137 km.

7h00! Bing, bang, "one two", "one two"! Des tests de sons dans l'aréna couplés d'autres indéfinissables. Peut-être un castor mécanique géant? Je m'habille, commence à ramasser notre grabat alors que des joueurs de tennis arrivent sur les courts. Puis, c'est plusieurs automobiles qui assaillent le stationnement d'où de jeunes hockeyeurs émergent. Je regarde ma montre, nous sommes bien vendredi. Mais que se passe-t-il? Je m'éloigne un peu pour bénéficier d'une vue d'ensemble du cirque. Des travailleurs sur le toit de l'aréna se préparent à le recouvrir d'une membrane. J'en conclu qu'il serait temps de quitter cet endroit de fous, ce à quoi Michèle est d'accord.

Après quelques minutes de pédalages que voyons-nous? Un camping! Je n'ose y croire, et subitement, tout devient clair. Mon odomètre (que je remets à zéro chaque jour) indique 6.66 km. Voilà qui nous apprendra à passer la St-Jean à Ottawa. Humblement, j'abandonne le projet d'aller à Québec le 1er juillet. Il y a des forces avec lesquelles il ne faut pas jouer. Je touche à la fourche DeVinci couleur bleuet de mon vélo en récitant religieusement "Gens du pays" pour lever la malédiction.

Le soleil apparaît, la nature s'épanouit devant nous, tout ira bien à partir de maintenant. Même s'il faudra rouler quelques kilomètres dans la garnotte de l'accotement de la 174, notre chemin sera principalement celui de chouettes routes secondaires peu fréquentées. Tel que prévu, c'est toujours plat. Fait amusant, pratiquement tous les gens auxquels on s'adresse nous parle en français. La journée se terminera au camping La Rochelle (1050 Baie Rd) où la très aimable propriétaire nous dénichera un coin tranquille pourvu d'une belle vue sur la rivière.


26/06
Montréal - 128 km / 265 km.

Ce qui devait arriver, arrive; nous passons de l'Ontario au Québec avec ses routes cabossées et ses automobilistes roulant aussi vite que mal. En début d'après-midi, nous sommes à Dorion. Si près et si loin de chez nous... On se repose un peu et on poursuit. Après le second pont et la nouvelle spirale encore plus spectaculaire que celle de Longueuil, les deux premières personnes à qui l'on s'adresse nous répondent en anglais: nous sommes bien à Montréal! Il faudra faire quelques pauses encore pour réussir à parcourir tous ces kilomètres, mais nous arriverons dans le confort de notre foyer.

Conclusion.

Comme tous les voyages, il s'est passé de nombreuses mésaventures, mais au final nous sommes contents. Michèle fut extraordinaire, non seulement pour sa capacité d'adaptation et son endurance, mais surtout pour avoir conservé le sourire nonobstant toutes les épreuves. Extraordinaire! Quant au trajet, je le recommande à tous. Je n'ai rien dit sur le Parc Voyageur? Ah, eh bien allez donc le visiter par vous-mêmes :-)