Gros-Morne
Sesquicentenaire de la création de la Confédération canadienne oblige, pour cet opus 2017 de mes projets cyclotouristes, je projette d'aller visiter la Réserve de parc national de l'Archipel-de-Mingan et le Parc national du Gros-Morne. Je pourrai ainsi voir la Côte-Nord et une partie de Terre-Neuve, deux endroits qui me sont inconnus. Cerise sur le gâteau, fantasmant depuis la nouvelle route de traverser le Parc des Laurentides, je réaliserai mon désir tout en atteignant Québec de Montréal par le charmant Chemin du Roy. Trois chapitres donc; urbanité (Montréal, Trois-Rivières, Québec, Saguenay), route des baleines (de Tadoussac à Natashquan) et sentier des Vikings (côte ouest de Terre-Neuve).
12/08/2017
Marina de Louiseville
110 km (Total: 110 km)
Premier jour de vacances, je suis très enthousiaste et me lève avant le soleil. Mon dynamisme est quelque peu freiné par une forte pluie. Je prends donc tout mon temps pour réviser mon bagage. Deux sacs, c'est bien peu pour contenir tout ce qu'il faut pour vivre pendant un mois. Disons qu'il y a l'essentiel ;-) Je fais des réserves de calories avec un copieux déjeuner et dès qu'il y a une éclaircie, je donne mes premiers coups de pédale. Hourrah!
@#$%! que ça n’avance pas! La vitesse affichée par mon cyclomètre est très décevante. J'ai l'impression d'avoir à fournir beaucoup d'effort pour dépasser 15 km/h. Bon, mon vélo est chargé de 18 kilos (40 livres) de bagages, l'état des rues de Montréal ne m'aide pas, les muscles de mes jambes ne sont sans doute pas encore réveillés, la pluie qui reprend, j’espère que ceci explique cela, car les 1600 kilomètres de prévus pour atteindre Terre-Neuve risquent d’être longs.
Arrivé au Stade olympique, je vais m’abriter. La pluie s'est intensifiée, mais surtout, ma vitesse me trouble. Dans le passé, il m'est déjà arrivé, à ma grande honte, de rouler bien des kilomètres avec un patin de frein appuyant sur une jante. Mais j’ai bien beau inspecter le vélo, tout semble correct! En faisant un peu d'arithmétique, je calcule avancer 1.6 fois moins rapidement. Mais, c’est bien sûr! Mon cyclomètre affiche la vitesse en milles plutôt qu’en kilomètres! Je reprogramme le tout et repars moins inquiet de mes performances athlétiques!
En sortant de Montréal, la pluie cesse et c'est sous un beau ciel bleu que je vais faire l’essentiel de cette première journée. Voyant que j’ai dépassé 100 kilomètres, j’arrête à Louiseville où un agréable camping situé en face de la marina est très accueillant. Quoique l’on entende un peu les sons de la circulation routière, l’ambiance est agréable. En début de soirée, je vais marcher dans un parc adjacent abritant une maternité de chauve-souris, illustrant bien l'un des plaisirs de voyager à vélo, soit d'effectuer des découvertes inattendues.
13/08/2017
Québec
176 km (Total: 286 km)
Une autre belle journée. Je me réveille en si bonne forme, que j’ai l’impression qu’hier, j’aurais pu poursuivre jusqu’à Trois-Rivières. Je m'y rends assez rapidement et une fois arrivée, je n’y demeure pas longtemps. C’est une fin de semaine de Grand prix automobile et même s’il est tôt, le bruit des moteurs s’entend partout en ville. J'y mange quelques biscuits bio-granole-santé-et-sans-sucre dans un parc et laisse derrière moi cette ambiance fort peu bucolique .
Retour sur le grand chemin où je rattrape un groupe composé d'une bonne centaine de cyclistes de route. Ils font partie du “granfondo Garneau-Québécor”. Je ne sais pas pourquoi ils ne roulent qu’à 25 km/h, mais je n’ose trop les questionner. Certains semblant froissés de me voir les dépasser sur ma lourde monture d’acier, chaussée de gros pneus et chargé pour le camping. Enfin...
Je rattrape un autre cycliste, celui-ci monté sur un vélo couché de route. Il m’autorise de le suivre et va littéralement m’aspirer pendant une bonne quinzaine de kilomètres. Petite jasette jusqu’à Sainte-Anne-de-la-Pérade où l’on se sépare. Merci!
Connaissant l'endroit, je me souviens de cet accueillant parc devant l’Église Sainte-Anne-de-la-Pérade (on y retrouve aussi le Bureau d’information touristique des Chenaux, donc des toilettes et de l’eau potable). Je vais y faire sécher ma tente pendant que je mange, puis m’évanouis quelques minutes. Repu et reposé, je vais réaliser mon plus long kilométrage jamais parcouru, soit 176 kilomètres, ce qui va me permettre de rejoindre de bons amis qui me reçoivent avec tous les égards et surtout, m'offrent un lit douillet. Zzz...
14/08
Québec
6 km (Total: 292 km)
Ah, comme j'ai bien dormi! Un vrai lit, une vraie douche, quel luxe! Mes hôtes vont m’accorder leur après-midi et ainsi nous allons nous empiffrer de sushis, visiter la citadelle de Québec, prendre une bière dans le vieux et conclure cette splendide journée par un festin à la maison. Je vais longtemps traîner avec moi ce plein de calories et de bonheur..
15/08
L’étape
94 km (Total: 386 km)
J'ai souvent pensé faire le Parc des Laurentides à vélo, supposant que la nouvelle route est facile, les pentes y étant aplanies et l’accotement élargi. Il y a tout de même cette idée que c’est une forte longue montée jusqu’à L’Étape, aussi ai-je prévu d’y arrêter, un parc de la Sépaq y étant adjacent. J’y pourrai donc prendre une douche et m’alimenter au restaurant. Point d'inquiétude pour les ours, l'une de mes sacoches contient un baril où je dépose déodorant, dentifrice et denrées odorantes, laissant le tout bien loin de mon campement la nuit venue.
Je débute par le chemin passant par Farnham, et ce, le plus longtemps possible. Ça se révélera une bonne idée, le trafic y étant pratiquement nul. Anecdote, cette route s’appelle “Talbot”, comme ça le sera lorsque j’arriverai à Chicoutimi.
Tout se passe aisément. Le paysage est bien joli et surtout, aucun trou dans la chaussé et quel accotement! Pratiquement une voie supplémentaire. Le seul moment plus excitant est lors d’une descente. Alors que je file à environ 50 km/h, une maison me dépasse. L’ensemble génère beaucoup de turbulences, aussi dois-je bien retenir Fidel de partir dans le fossé. Mettons que ça réveille ;-)
Le camping La loutre est très bien. Notons les douches en acier inoxydable et un abri pour cuisiner. Après m’être débarrassé de cette épaisse couche de sueur et de crème solaire, c’est à pied que j’irai manger une excellente soupe aux gourganes au restaurant de L'Étape.
Pour ce voyage, j'ai opté pour des souliers de randonnée, qui je dois bien l’avouer, même s’ils sont un peu moins efficaces pour pédaler, m’accorde un confort incomparable. Comme quoi, les pédales à déclenchement automatique ne sont pas toujours une nécessité.
16/08/2017
Chicoutimi
116 km (Total: 502 km)
Au réveil, je prends la terrible décision de sortir de mon sac de couchage. J’apprendrai un peu plus tard qu’il faisait alors 5˚ Celsius. Être resté quelques minutes de plus, on m’aurait retrouvé au printemps après une longue hibernation.
Puisque je peux manger confortablement, j’en profite, laissant la température monter. C’est donc sous un généreux 7˚ Celsius que je m’élance. Bel accotement, pentes douces, camionneurs respectueux, tout irait bien si ce n’était ce vent de face du nord, par conséquent glacial, et cette absence de soleil. L’avoir sur, j’aurais continué hier. Surtout qu’aujourd’hui, heureusement, ça descend (815 mètres de dénivelé négatif).
À Chicoutimi, l’arrivée sur le boulevard Talbot est très désagréable. Il n’y a pas d’espace pour les cyclistes et les automobilistes ne semblent pas vouloir partager l’espace. Dès que possible, je passe dans les rues résidentielles, mais dois me résoudre à emprunter les trottoirs (il n’y a aucun piéton) pour ne pas me sentir menacé.
Je termine ma course au port où je me repose et grignote en attendant ma soeur qui viendra me chercher. Nous passerons une agréable soirée à la Voie maltée; bonne bière et bonne bouffe! Et puis, le luxe se poursuit avec une autre nuit dans un bon lit ;-)
17/08 et 18/08
0 km (Total: 502 km)
Chicoutimi et Sainte-Rose-du-Nord
Les deux prochains jours seront passés en famille. Pas de vélo donc. Jusqu'à présent, c'est donc un voyage aisé, car je bénéficie d'un accueil chaleureux, de vraie nourriture et de, somme toute, beaucoup de repos.
19/08
Forestville
110 km (Total: 612 km)
Terra incognita. Ça commence plutôt bien, en fait sur une véritable piste cyclable. La route sera à peine vallonnée, présentant presque toujours un raisonnable accotement. Soit dit en passant, je bénéficierai d'un léger vent de dos jusqu'à Natashquan. Cette première journée sur la véloroute des baleines se terminera au camping de Forestville où l'on m'offrira une grande plate-forme pour ma tente. L'Hexamid-Solo Plus de Zpacks n'étant pas autoportante, on m'enverra alors, au rabais, sur la plage. Ce qui m'arrange, désirant me réveiller au lever du jour. En effet, lorsque je suis seul, j’ouvre les yeux vers 5h30, ramasse mon grabat en mangeant quelques noix et c'est tout.
Le camping n'est pas le plus beau du voyage, mais c'est le moins cher. Voilà qui a le mérite d’être honnête. On peut jouir du wi-fi près du bureau d’accueil, mais la réception des moustiques est de loin supérieure à celle des internets ;-)
20/08/2017
Baie-Comeau
107km (Total: 719 km)
C'est plus l'habitude que l’astre solaire qui me réveille, le ciel gris tendant vers le noir. Je prépare l'équipement de pluie que je dispose sur le dessus de mes bagages. Alors que je tente de partir, Fidel se rebelle. Il a besoin d'un peu d'attention. Une généreuse averse se manifeste alors. Brave bête que ce Fidel. M'ayant ainsi averti, je peux alors profiter des sommaires installations pour revêtir mes pantalons de pluie, bien au sec. C'est que, ça tombe vraiment beaucoup. Voyant que ça n'arrêtera pas de sitôt, je me résous à monter en selle et entreprends le débute d’une longue montée pour rejoindre la route principale.
À peine sortie du camping, un badaud en imperméable m'interpelle: "Faites-vous partie de l'équipe de tournage?". « Euh non ». L'individu m'indique alors qu'en raison de la présence d'une production américaine (j’apprendrai plus tard qu’il s’agit de l’adaptation de “La vérité sur l’affaire Harry Quebert“), je dois prendre une route de contournement, non pavée, sur plusieurs kilomètres. Eille chose, penses-tu vraiment que c'est possible? "Bon, ben fais ça vite d'abord". Ben oui c’est ça, traîner 70 livres dans une côte de 10%, c'est sûr que je vais faire ça vite...
Je rencontre bien des techniciens sur la route, confirmant la réalisation cinématographique. Et personne ne s'occupant de moi, quitte cette zone fort occupée.
La route sera similaire à celle d'hier, bien agréable. Les blagues les plus courtes étant les meilleures, la pluie cessera en matinée. Je pourrai donc poursuivre en bobette, car tous les cyclistes savent bien que le mot cuissard n'est qu'un habile subterfuge pour nous permettre de pratiquer notre activité physique dans le quasi plus simple appareil. Rendu à Baie-Comeau, j'embarque sur la piste cyclable urbaine, évitant l’important trafic. La ville offre tous les services et je choisis de m'arrêter pour me sustenter au IGA local, judicieusement situé à quelques mètres de la SAQ.
Puis, j'irai rencontrer la mère d'une amie, qui me recevra avec son conjoint. M et J sont chaleureux et je me sens privilégié d'être si bien accueilli. Jus santé, repas aussi délicieux que roboratif, dessert goûteux et un autre bon lit pour reposer mes muscles endoloris. Et puis, quelle sympathique compagnie! Leur demandant si mes doutes sont fondés quant aux pentes qui m'attendent demain, ils me répondent que c'est le tunnel qui leur paraît plus inquiétant. Le tunnel? Quel tunnel? Hum...
21/08
Baie-Trinité
98km (Total: 817 km)
Je quitte avec quelques regrets cette oasis de félicité. C'est aussi la fin de la véloroute des baleines. La garantie de Vélo Québec se termine donc ici. Je découvre rapidement pourquoi. L'accotement disparaît complètement régulièrement et pourtant il y a encore pas mal de circulation routière. Bonne chose que j'emploie un rétroviseur et aussi que je porte en permanence une camisole filet dotée d'un gros "X" jaune réfléchissant à l’arrière. Après quelques kilomètres, les premières montées se manifestent. Pour ajouter du piquant à l'aventure, un gros chien jaune sort d'une entrée en jappant bruyamment. Pauvre bête, je jappe plus fort que lui. Il adopte immédiatement une position de soumission et j'en suis presque à regretter mon attitude brutale. Bon, je passe quelques minutes en sa compagnie et rassuré, il se couche, me laissant à ma situation temporaire d’itinérance.
Ouais, ça monte. Je vois des panneaux annonçant 12%. Ça doit être à peu près ça. Je me console avec les souvenirs des Rocheuses, de la Cabot Trail, des Appalaches et de biens d'autres ascensions plus viriles et puis, il fait beau, alors pourquoi se plaindre. De toute façon, ne souhaitant pas gaspiller mes forces inutilement, je prends simplement un petit braquet et mouline patiemment; "Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage" (La Fontaine, "Le lion et le rat").
Lors d'une descente plutôt pentue, je vois sur un panneau routier que la limite de vitesse est fixée à 55 km/h. Bon, pas tout à fait sûr, il a passé vite. Je m'attends à un virage serré, mais c'est LE tunnel qui pointe à l’horizon. J'opte pour un passage rapide et conséquemment, me penche sur mon guidon afin d'offrir le moins de résistance possible au vent. Deux motocyclistes surviennent alors, l'un se place devant moi, à ma gauche, l'autre derrière. Ainsi escorté, je passe dans le noir à 73 km/h. Puis, l'un d’eux m'envoie un pouce en l'air et mes anges gardiens disparaissent. Chouette rencontre!
Ma journée se termine chez M, amie de J, qui m'offrira cuisine et douche ainsi qu’une bonne compagnie pour le souper. Ce sera une belle soirée que je devrais quitter trop tôt, étant fatigué par tout ce kilométrage et bien sûr, toutes les montées réalisées. Je m'endors au son du fleuve, dans mon petit abri.
22/08/2017
Sept-Îles
140 km (Total: 957 km)
Jusqu'à Natashquan, l'accotement sera variable. Généralement il y en a, mais la qualité et la largeur ne sont pas toujours au rendez-vous. Et puis, en approchant de Sept-Îles, la circulation s'intensifie. Vigilance! Je dois accorder une note plus que positive à la très grande majorité des camionneurs qui font tous l'effort de s'écarter le plus loin possible lorsqu'ils me dépassent. Merci!
En début d'après-midi, quelques kilomètres après Port-Cartier où j'en ai profité pour prendre un peu de repos et m'alimenter légèrement, je vivrai le premier et seul problème "mécanique" du voyage. Lors d'une bonne descente, boum, une crevaison. Je positionne Fidel sur le dos et constate, malheur, que ce n'est pas un objet pointu qui a pénétré le pneu, mais plutôt une déchirure sur le flanc qui a laissé la chambre à air s'échapper. Alors qu'il m'apparaît qu'une réparation digne de ce nom semble improbable, j'ai à peine le temps de voir une voiture de la Sûreté du Québec passer sur la route. Quelque peu surpris qu'il ne se soit arrêté pour s'enquérir de mon état (je lui aurais alors demandé de m'appeler un taxi de Sept-Îles), un automobiliste a la délicatesse de m’offrir son assistance. C'est bien gentil, hélas il va dans la direction opposée. Non seulement ça ne m'avancerait pas, mais je suppose qu'il est bien plus probable de dénicher un vélociste à Sept-Îles qu'à Port-Cartier. Alors que nous discutons, une voiture de la SQ (la même?) passe sur la route, toujours sans s'arrêter...
Me retrouvant seul, j’installe entre la chambre à air et la déchirure du pneu plusieurs rustines (sans les coller). Je sous-gonfle la chambre à air, remonte le tout et croise les doigts. Alors que je pédale, je me demande si je n'aurais pas dû plutôt inverser les pneus, même si celui d'avant est bien plus étroit (28 par rapport à 32). J'hésite à entreprendre cette chronophage opération. Il est passé 15 heures et si je veux arriver avant la fermeture des magasins, je dois rouler à 25 km/h en moyenne. Ce n'est pas trop demandé, mais en même temps, ça ne m'accorde pas beaucoup de latitude.
Il est pratiquement 17h00 quand j'arrive en vue de Sept-Îles. J'ai réussi à conserver une vitesse supérieure au besoin, ma "réparation" a tenu et il y a même une excellente piste cyclable pour me recevoir. J'arrête un cycliste de route, lui faisant part de mon problème. Ce dernier m'indique le chemin à suivre pour rejoindre un vélociste probablement en mesure de me fournir un pneu pouvant répondre à mes besoins. Bon, quelques kilomètres à faire aller les mollets en priant que ça tienne! J'arrive au magasin bien content de constater qu'il est toujours ouvert. Les sympathiques préposés installent un Roubaix quelque chose, taille 32, ce qui somme tout est très bien en regard des circonstances.
Le ciel s'obscurcit, mes provisions sont basses, hors de question d'aller monter la tente en rase campagne. Je déniche une auberge de jeunesse qui va s'avérer un incontournable pour quiconque va à Sept-Îles. Personnel sympathique, toutes les commodités, décor et ambiance agréable, vraiment, quelle trouvaille!
Auberge internationale Le Tangon
23/08/2017
Rivière-au-Tonnerre
125 km (Total: 1082 km)
Passé Sept-Îles, la circulation va pratiquement disparaître. Ça me laisse plus de temps pour admirer les paysages, qui sont particulièrement saisissants. Au fil de la journée, un épais brouillard va s'installer, donnant un aspect fabuleux à tout ce qui m'entoure. D'immenses rochers sur la plage, puis quelques habitations vont m'annoncer Rivière-au-Tonnerre. Constatant un nombre de trois chiffres sur mon cyclomètre, il m'apparaît sage d'y établir mes quartiers. Je trouve nourriture à l'épicerie et vais voir la magnifique église. Notons les noms de rues écrits à la main, dans un style artistique.
24/08/2017
Havre-St-Pierre
105 km (Total: 1187 km)
Une autre journée de rêve pour un cycliste. C'est le début de la Minganie et je vois les îles de l'archipel. Nonobstant mon âge vénérable mes performances furent excellentes, aussi pourrai-je passer quatre nuits à Havre-Saint-Pierre, ce qui va me faire trois jours de tourisme, sans vélo. Souhaitant en profiter au maximum, je décide de ne pas faire de camping et plutôt retenir soit une chambre dans un gîte, soit un studio. Je débute mon magasinage "Au gîte chez Françoise". Une affiche "Complet" ne me décourage pas. Françoise est très sympathique, mais confirme qu'elle ne peut me recevoir ce soir à tout le moins. Elle me recommande le "Gîte 4 saisons", pas très loin. J'y serai accueilli par Cécile, qui comprendra rapidement mes besoins et va me procurer tout ce dont j'ai besoin. L'une des très bonnes décisions pour ce voyage.
Gîte 4 saisons
Une fois le problème de l'habitation réglée, je passe à l'épicerie où je comble mes désirs. Une bonne douche, un peu de cuisine et hop, dans le lit à regarder quelques vidéos de cyclotourisme pour me changer les idées ;-)
25/08/2017
Havre-Saint-Pierre
0 km (Total: 1187 km)
Je me lève un peu plus tard, mais tout de même pas trop. Cécile offre le déjeuner dès 7h00 et il est excellent, alors pas question de le manquer. C'est aussi un moment pour rencontrer les autres voyageurs de passage; touristes bien sûr, mais aussi professionnels ayant à travailler dans la région. C'est aussi divertissant qu'enrichissant. Et puis, j'en profite pour glaner de l'information sur les attraits touristiques locaux ainsi que ceux à venir.
Le kiosque de Parcs Canada est situé dans le même bâtiment que celui des croisières pour les îles, à 15 minutes de marche. Sans vélo, j'adopte un autre rythme, plus flâneur et peut-être aussi plus fatigué ;-). Voilà qui est bien. Je profite de l'air du large et de la plage le long de "La promenade des anciens". Disons que ça me prendra bien plus que 15 minutes ;-)
Une fois arrivé, avec l'information obtenue, je fais l'achat de deux excursions. Puis, je vais passer le reste de l'avant-midi à la "Maison de la culture Roland-Jomphe". Ce monsieur a fait connaître la Minganie par ses poèmes, mais surtout par son enthousiasme. Un ancien magasin général est dédié à son travail d'ambassadeur ainsi qu'au patrimoine cayen. J'apprécie particulièrement les témoignages vidéo présentés.
Je devrai retourner à mon logement pour une sieste, les mille kilomètres dans les jambes réclamant un peu de repos. Puis, une autre épicerie (j'ai FAIM!), un pique-nique en ville, et une soirée plutôt tranquille où je m'endormirai très, très tôt...
26/08/2017
Havre-Saint-Pierre
0 km (Total: 1187 km)
Je me sens bien mieux ce matin. J'avais définitivement besoin de repos. Quelle bonne idée d'avoir choisi un endroit confortable. Après l'excellent déjeuner de Cécile, je vais à la marina de Havre-Saint-Pierre pour ma première sortie; quelques heures sur la Grosse Île au Marteau. Une fois dans le bateau, le pilote me demande "Prêt?", je lui rétorque "mais où sont les autres touristes?" et il me répond "vous êtes le seul aujourd'hui monsieur". Eh bien. Bon, la météo n'est pas trop positive, peut-être les vacanciers sont-ils connectés en permanence sur Météomédia? De mon côté, dans mon sac à dos imperméable, j'ai tout ce qu'il faut pour affronter les éléments.
Une fois sorti de la marina, le pilote me demande s'il peut accélérer. Faites mon brave. Vroum, nous voilà sur le point de quitter la mer pour les airs! C’est grisant. Une fois arrivée, sous les ordres de mon capitaine, je manoeuvre l'escalier pour me permettre de descendre sans avoir à me mouiller les pieds. Quel luxe! Agitant mon mouchoir vers le navire, je me retrouve absolument seul sur ce petit endroit paradisiaque. Le ciel est gris, et il y a une toute petite pluie qui va bientôt cesser pour toute la journée. Tant pis pour les abonnés de Météomédia!
J'aurais largement le temps d'en faire le tour, prendre quelques photos et surtout, profiter pleinement de ce bel endroit. Une saine activité très ressourçante.
27/08/2017
Havre-Saint-Pierre
0 km (Total: 1187 km)
Quel plaisir d'être vacancier! Je retourne donc à la marina, mais cette fois-ci, il y a foule. Il faut dire que j'ai choisi pour aujourd'hui les deux îles les plus populaires, Quarry et Niapiskau. Les monolithes y sont spectaculaires, aussi Parcs Canada y a conçu tous les aménagements nécessaires pour permettre un accès facile au plus grand nombre. En plus, les guides nous informent sur la faune, la flore et es spécificités géologiques. Roland Jomphe a droit aussi à quelques minutes de gloire bien méritées.
Notons que si la randonnée sur Quarry est très facile, celle de Niapiskau est un peu plus demandante. Nous n'y sommes que trois, un quatrième explorateur ayant abandonné l'idée suite à la description des sentiers. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est sportif, mais disons qu'il ne faut pas trop perdre de temps si l'on veut repartir avec le bateau. Et puis, la carte de l'endroit et le GPS de mon téléphone nous ont servi à deux reprises. Les indications étant quelque peu ésotériques ci et là.
Au final, ces deux jours de promenade ont été magiques et je recommande vraiment ces excursions. Enchanteur!
28/08
Natashquan
155 km (Total: 1342 km)
Un autre matin où je prends tout mon temps. J'ai vraiment aimé Pointe-aux-Esquimaux et ce n'est que vers 8h00 que je remonte en selle. Avec tout ce repos, j'ai les mollets en feu et j'arriverai à Baie-Johan-Beetz avant 11h00! On m'en a vanté le charme, et c'est tout à fait justifié. Après un peu d'exploration, je repars, déterminé à faire la plus grande distance possible en cette formidable journée. Je réussirai à compléter la seconde partie de mon voyage, soit la "Route des baleines", en mettant le pneu à Natashquan.
Les esprits pointilleux pourraient me rappeler que la route se poursuit jusqu’à Kegaska. Certes, mais elle n’est pas encore asphaltée…
Il n'y a eu pratiquement aucun trafic, ce qui a été bien agréable. Puisqu'il fait si beau, je vais au camping municipal qui est pratiquement à distance de marche du village. J'aurais le temps de passer au bureau d'information touristique où les charmantes préposées me renseignent sur les activités locales. En plus, j'y bénéficie d'un endroit confortable pour bénéficier du wi-fi.
29/08
Natashquan
15 km (Total: 1357 km).
Ami lecteur, tu auras compris qu'un calendrier était sous-entendu pour ce voyage. En fait, il n'y a qu'un paramètre temporel que je dois respecter si je veux aller à Terre-Neuve. Pour atteindre cette destination, je dois prendre un traversier à Blanc-Sablon. Et pour aller à Blanc-Sablon, il n'y a que deux possibilités: une route partant de Baie-Comeau (passant par Fermont, Labrador City, Churchill Falls, etc.) de plus de 1700 kilomètres ou un bateau, le Bella Desgagné, administré par Relais Nordik, reliant toutes les petites communautés entre Natashquan et Blanc-Sablon. Même si ce navire a comme première vocation le ravitaillement de la basse Côte-Nord, il accepte aussi les passagers, voire les croisiéristes. Bémol, il ne passe qu'une fois par semaine dans la direction est. Pour Natashquan, le passage est prévu mercredi après-midi. Mon itinéraire a été conçu en considération de cette contrainte.
Étant mardi, j'ai toute la journée pour profiter de Natashquan. Mon exploration débute par la "Vieille école". Une véritable institution, qui a souvent été physiquement déplacée, maintenant un musée principalement dédié à la vie de Gilles Vigneault et celle des personnages qui l'ont inspiré. La visite terminée, je passe un peu de temps à la superbe église située tout près. Bien entendu, je repasse ensuite à l'épicerie pour tenter de combler mon insatiable appétit. Ceux qui me connaissent seront surpris d'apprendre que j'ai commencé à perdre du poids. Ceux qui font du vélo le seront moins ;-) Retour à l'information touristique pour rédiger une carte postale à mes biens aimés collègues de travail. J'en profite pour m'enquérir de la situation du bateau et j'apprends qu'il a pris plusieurs heures de retard. Il a été demandé de voir sa vitesse réduite en raison de la grande présence de mammifères marins. Une sieste en après-midi, passage au célèbres Galets, plus que centenaires hangars de pêcheurs et finalement retour au camping pour un bon repas, une petite promenade et dodo.
30/08/2017
Natashquan
6 km (Total: 1363 km)
Retour à l'information touristique pour savoir ce qui advient avec mon bateau. Alors que le départ aurait dû avoir lieu vers 15h00, il est reporté à 23h00. Bigre! Me voilà avec une journée complète dans ce petit village. Je m'installe confortablement pour rédiger ma correspondance, avec l'accord des aimables préposées. Ce n'est pas une mauvaise idée, puisque ça me donne l'occasion de voir tous les touristes, et prendre note de ceux qui embarqueront avec moi ce soir.
Après un chouette pique-nique sur la plage, je vais à L'Échourie, sorte de restaurant-bar-salle-de-spectacle. J'y lis confortablement avec un thé et y finis par prendre un très bon spaghetti aux moules pour souper. Ne souhaitant pas rouler dans la noirceur, je quitte pour le quai où je vais attendre plusieurs heures le Bella Desgagné. Encore là, je sympathiserai avec mes futurs compagnons de bord.
Pour le billet, point de folles dépenses. J'ai cassé ma tirelire à Havre-Saint-Pierre, voilà qui suffit. Je prends donc un passage avec pas de cabine, ce qui me coûte 150.00$. Quant à Fidel, il lui est demandé une vingtaine de dollars pour son passage.
Le bateau est impressionnant, surtout qu'il arrive de nuit, déployant donc force éclairage. Il faut être prudent, car il y embarquement et débarquement de marchandises. Et c'est à travers le ballet des conteneurs que je monte sur l'appareil.
À l'intérieur, on m'apprend qu'il est interdit de s'étendre sur le sol. Par contre, je pourrais à peu près dormir dans ce qui se rapproche de fauteuils d'avion. Le marchand de sable m’ayant visité depuis déjà plusieurs heures, je dois lutter contre le sommeil pour faire le tri de mes bagages. Pour la modique somme de deux dollars, je peux entreposer la majorité de mes effets dans un profond casier où entre aisément mes deux sacoches. Mais puisque le paiement doit s'effectuer à chaque usage, autant régler la chose une fois pour toutes. Vêtements de rechange, brosse à dents, dentifrice, téléphone, écouteurs, sandales, ...
Il est plus de minuit quand je m'évanouis. Le mal de mer? Pfft, trop fatigué pour y porter intérêt ;-)
31/08
8 km (dans un bateau?) (Total: 1371 km)
Ayant choisi un pont inférieur pour la nuit, il y fait sombre et frais, alors j'ai tout de même relativement bien dormi. Mes compagnons de cale sont essentiellement des Innus qui utilisent le service comme je le ferais pour l'autobus. À titre de résidents de la basse Côte-Nord, ils bénéficient d'un tarif préférentiel. Plusieurs sont accompagnés de leurs enfants, ce qui a le mérite d’animer quelque peu la vie à bord.
Curieux de ce qui se passe à l'extérieur, je monte jusqu'au pont le plus élevé et ai la chance de voir apparaître La Romaine dans le brouillard. C'est féérique. On y descend et, oh surprise, le conteneur de Fidel est débarqué où je le vois bien installé sur un adéquat support parmi plusieurs bicyclettes de croisiéristes. Avec deux autres touristes, nous partons pédaler dans le village. Une expédition particulièrement intéressante. Vraiment chouette que de disposer d'un vélo pour aller bien plus loin qu'à pied. Les routes sont asphaltées, alors ça roule bien.
Retour au navire où les nouveaux sont conviés pour une courte rencontre d'information nous informant des règles à observer et de la navigation à venir. Par exemple, il y a deux endroits pour se sustenter: une salle à manger, où ça semble aussi bon que cher, et une cafétéria à la définition inverse (quoique, c'est un peu cher). Je déjeune au second endroit, mangeant honnêtement, mais sans plus.
Un peu plus tard, nous pourrons visiter Harrington-Harbor, village québécois des plus connus ayant servi de lieu de tournage pour le célèbre film "La grande séduction". Un endroit des plus singuliers avec ses trottoirs en bois permettant le déplacement rapide des résidents chevauchant des quatre roues. Deux petites épiceries permettent de m'alimenter; bonne idée, car à la cafétéria, le repas du jour est hot-chicken et le repas du soir sera... hot-chicken! Pas trop intéressant pour un végétarien n'appréciant pas le pain blanc ;-)
En soirée, afin de respecter l'ambiance, on nous présentera le film "La grande séduction". Sympathique.
À travers tout ça, j'ai passé du temps avec plein de gens agréables, d'un peu partout, voyageant de toute sorte de façon, bref une belle journée.
01/09/2017
0 km (Total: 1371 km)
Et l'hygiène me direz-vous? Ah oui, j'ai oublié de vous en parler. Alors si vous êtes riches, votre cabine offre tout le nécessaire pour effectuer votre toilette. Mais si vous êtes pauvres ou pingres comme moi, sachez que le Bella-Desgagné dispose de douches communes. Inquiets? Que nenni! Les installations sont impeccables, l'eau est très chaude, et il n'y a pratiquement personne. Bon, vous devez apporter une serviette, mais il y a tout de même du savon de fourni. Excellent!
Après un déjeuner correct, l'animatrice du navire nous présente "Les richesses de la mer". Sa spécialité étant les mammifères marins, je vous assure que ce fut une très instructive présentation. Quelle passionnée!
En début d'après-midi, avec bien des heures de retard, nous débarquons à Blanc-Sablon. C'est sous une forte pluie que je pars avec Fidel. Près du Bella Desgagné, je vois le traversier pour Terre-Neuve et ainsi disparaît mon projet d'aller rouler quelques kilomètres au Labrador. Après avoir avancé ma montre d'une heure et demie et acheté mon passage dans un bureau humide pour une vingtaine de dollars, je m'installe devant tous les véhicules tel que m'a demandé l'employé du port. Hélas, un autre m'indique que les cyclistes n'embarquent qu'en toute fin et je devrai subir le vent et la pluie pendant près d'une heure. Alfred, un Franco-Labradorien, viendra un peu me tenir compagnie, ce qui est bien gentil.
Enfin j'embarque. Seul cycliste du voyage, j'ai peine à comprendre pourquoi m'a-t-on fait ainsi tant attendre. Enfin, une fois Fidel bien arrimé, je monte sur un pont avec mes sacoches. J'ai l'ai un peu idiot avec mes gros bagages, tout dégoulinant d'eau. Mais puisque les automobilistes m'ont croisé lors de l'embarquement, j'imagine qu'ils s’expliquent ma situation. Je me trouve un siège un peu isolé et m'accroupis dans ma flaque alors qu'un passager au visage familier vient me rejoindre, Alfred.
On échangera alors pendant toute la traversée, et surtout, je bénéficierai de plusieurs conseils pour la suite de mon périple.
À la sortie du bateau, c'est le déluge! En plus, il y a un fort vent de face et il fera bientôt nuit. Sur les conseils d'Alfred, une fois la première côte montée, j'arrête au motel où il y a un restaurant. On me trouve une chambre et même si l'ensemble ne paie pas de mine, je suis content. Plus par désoeuvrement que par véritable intérêt, je vais au restaurant. L'appétit vient en consultant le menu et je me laisse tenter par l'assiette de pétoncles. Dans l'attente, je peux un peu mieux percevoir le décor et non, je n'ai pas trop confiance en ce que l'on va me servir. Et puis, surprise, je dégusterai la meilleure assiette de pétoncles à vie; c'est parfumé et sucré. Un délice!
Retour à ma chambre où, au son de la pluie qui frappe ma fenêtre je regarde les vidéos Youtube du “Bicycle Touring Pro”. Ça tourne à l'obsession mon affaire ;-)
Bicycle touring pro
02/09/2017
Port au choix
92 km (Total: 1463 km)
Bon, ça ne peut pas toujours être facile. Il a plu, il pleut et il pleuvra toute la journée. Et il vente. Au bout de plus de 80 kilomètres de ce régime, j'en ai un peu marre. Problème, mes souliers supposément imperméables ont pris l'eau. La semelle intérieure est complètement trempée. Pas de camping ou de motel en vue. Deux choix s'offrent à moi: faire un détour de 15 kilomètres pour rejoindre Port au Choix ou poursuivre et espérer un miracle, sinon dormir misérablement dans la flotte. Raisonnable, je tourne vers l'ouest pour Port au Choix. Il y a bien une publicité de motel, mais le vent surpuissant souffle directement contre moi et j'avance à peine. Quelle horreur, c'en est ridicule! Après plus d'une heure d'efforts soutenus, j'arrive enfin à une épicerie où je me ravitaille lourdement. Puis, encore quelques kilomètres de misère pour atteindre le motel “Sea Echo”, où, joie, il reste une chambre. Ayant eu la bonne idée de récupérer quelques circulaires à l'épicerie, j'en bourre mes chaussures afin que le papier absorbe l'humidité. Je vais réitérer à plusieurs reprises, avec quelques sessions de séchoir et parviendrait ainsi à des chaussures sèches pour le lendemain. Entre temps, je vais manger au restaurant du motel. Rien de comparable à hier, dommage.
03/09/2017
Parc Gros-Morne
124 km (Total: 1587 km)
Avec le retard du Bella Desgagné, je me retrouve un peu à la course. J'aimerais bien faire de la randonnée sur le Gros-Morne et dans les Tablelands. Mais mon billet d'avion pour le vol de Deer Lake est dans trois jours. Je devrais alors faire un petit effort supplémentaire. Pour aujourd'hui, il serait bien que j'atteigne l'entrée du Parc national Gros-Morne, situé à plus de 100 kilomètres. Je me à 5h30, crache sur le déjeuner inclus dans le prix de la chambre servi à partir de 7h00, et pars sur Fidel. La première heure est correcte, après ça se gâte. Le sentier des Vikings porte bien son nom. Pour ce troisième chapitre de mon aventure, j’aurais à lutter contre un quasi vent de face. Ce n'est pas une surprise, il souffle de la mer, c'est le vent dominant. Mais aujourd'hui, il est bien enthousiaste, car il me rentre dedans à 40 km/h.
Ma seule distraction de la journée sera le Parc provincial des Arches. C'est très joli.
J'arriverai au camping du Parc national Gros-Morne épuisé. Une bien exigeante journée. La dernière section de la route est un chemin de terre, parsemé de trous. Comme si je n'avais pas assez souffert! Le Roubaix tient, même s'il m'inquiète toujours un peu, doutant que ce soit la vocation pour laquelle il a été conçu. Après avoir monté la tente, m'être lavé, et mon linge et avoir bien mangé, j'essaie avec mon cerveau mou d'échafauder un plan qui me permettra de réaliser mes deux randonnées...
Ma première idée est de me rendre demain à Rocky Harbour (60 kilomètres), y abandonner Fidel et l'essentiel de mon bagage à un terrain de camping ou un hôtel, faire du pouce jusqu'au Tablelands (75 kilomètres), effectuer la randonnée, revenir sur le pouce, manger, m'évanouir. Puis, en regardant la carte, je constate qu'il y a bien peu d'eau entre Norris Point (Rocky Harbour) et Bonne Bay. Et de là, il n'y a que quelques kilomètres pour rejoindre les Tablelands. Comme je le supposais, Google m’indique qu’il y a un service de bateau taxi. Problème, il n'y a qu'un départ, soit à 9h00. Solution envisagée, me lever à 5h00, partir à 5h30, ce qui m’accordera 3h30 pour parcourir 60 kilomètres, pfft facile! Je règle mon réveil et m'endors naïvement sur cette stupide idée.
04/09
Rocky Harbour
83 km (Total: 1670 km)
Je me réveille en pleine nuit. Mais qu'est-ce qu'il fait noir. Regardant l'heure, je vois d'un oeil qu'il est 4h05. Ah non, je ferme les yeux. Zzz...
Je me réveille pour une seconde fois. C'est encore la nuit. 4h45. Bon, ça va. Dans le noir absolu (la tente est montée dans un terrain boisé), je vais démonter et ranger, manger une poignée de noix, remplir mes bidons et partir.
Premier défi, affronter le chemin plein de trous. Il y en a vraiment beaucoup. Je dirais un trou au 30 centimètres. Et ces maudits trous dépassent souvent 30 centimètres de diamètres. La puissance de ma lampe frontale n'est pas si mal, mais je crois que c'est surtout ma vision qui n'est pas complètement réveillée. Et ce maudit pneu de route à l'arrière qui subit des chocs inquiétants. Le manège dure une bonne quinzaine de minutes pour enfin s'arrêter alors que l'asphalte se montre. Ouf!
En plus de la lampe frontale, j'ai aussi deux lumières sur mon casque et deux autres à l'arrière, soit une sur chacune de mes sacoches. Et je porte toujours mon gros “X” réfléchissant. Il n'y a absolument personne sur la route. L'accotement est étroit, alors je roule un peu sur la voie de droite. Et puis, il n'y a pas de vent! Ça devrait donc être facile ce petit défi.
Alors que la lumière naturelle commence à apparaître, le spectacle est extraordinaire. Le soleil se lève sur ma gauche, mais derrière les formidables montagnes du Parc Gros-Morne, dessinant leur contour avec précision, alors qu'à ma droite, il y a la mer. Devrais-je m'arrêter pour prendre quelques clichés? Avec un vieux téléphone, le résultat ne pourra être que décevant. Et puis, si ces quelques minutes ainsi investies me faisaient rater le bateau, j'en serais bien contrit. Tant pis. Je tente au mieux de graver dans ma mémoire la magie du moment.
Peu de temps après, le vent est bien installé, et à son habitude, souffle de la mer… ce qui signifie contre moi. Je perds de la vitesse, et me retrouve à rouler pratiquement à la limite de ce que je dois faire. Allez, un petit effort pour accumuler une réserve au cas où.
Alors que je commence à être plutôt fatigué de pousser plus que je ne m'y attendais, les choses empirent. La chaussée devient scarifiée, et ce, annoncé pour plusieurs dizaines de kilomètres. Ma vitesse passe à 13 km/h. Ça ne va plus du tout. J'ai bien beau forcer, je suis incapable de dépasser 15 km/h. Tabouère! Ça va durer ainsi jusqu'à ce que je laisse la 430 pour Rocky Harbor. À ce moment, j'ai encore 12 kilomètres à parcourir et il est 8h20. Calcul rapide, si je remonte à une moyenne de 18 km/h, je vais y arriver.
Une bonne descente, une petite remontée, un chemin de campagne. Ça va relativement bien, jusqu'à ce que, pour d'inexplicables raisons, le vent se déchaîne. De kossé? Puis, apparaît une monstrueuse pente. Je me retrouve à peiner pour faire 6 km/h. Découragé, je surveille dans mon rétroviseur un véhicule. Alors qu'arrive une camionnette, je tends le pouce, mais mon charme et me beauté n'ont aucun effet sur le conducteur taciturne. Sur cette route perdue, il n'y aura pas d'autres âmes motorisées.
Alors que l'ascension est pratiquement terminée, il est 8h40. Sans doute en raison de la fatigue accumulée, mon état d'esprit s'altère. Passé et futur s'évanouissent. Il n'y a plus que le présent, toute mon attention étant concentrée sur l'effort. Une nouvelle pente, encore plus abrupte que la précédente se dresse devant moi. Pour n'importe quel observateur, l'activité serait d'une futilité absolue. Pas pour moi. À quelque part, au fin fond de mon esprit, il y a cette idée que tout ce qui monte doit redescendre ;-)
8h50. Débute la descente. Je pédale à fond. 50, 60, 70 km/h. J’ai l’impression de flotter sur la route. À plusieurs reprises je prends des décisions peu éclairées sur mon parcours. Droite, gauche, gauche, droite. 8h55, j'arrête demander mon chemin: "Water-taxi? » « You will see a blue building.". Ok. Debout sur mes pédales, Fidel se tord sous la force de mes mollets. 8h59. Je vois un bâtiment bleu, un quai, ce fameux bateau taxi et des passagers qui abordent. Problème; je ne vois pas comment atteindre le bateau de la route. Sans descendre de selle, je passe la porte et entre dans le bâtiment. Un employé derrière le comptoir ne remarque pas l'image insolite que je projette, absorbé dans la lecture d'un ouvrage littéraire. "For the boat?" "On your way". Me voilà à pédaler dans un restaurant, naviguant entre les tables et les chaises! J’atteins la porte conduisant au quai et y roule quelques mètres. Le capitaine prend mes sacoches. Je monte Fidel sur l'embarcation. Nous partons. 9h00.
Écrasé sur un siège du navire, j'ai l'impression que les muscles de mes jambes vont sortir de ma chair. Mon cerveau a la bonne idée de libérer alors une généreuse charge de sérotonine, dopamine, endorphine et sûrement bien d’autres choses encore. Me voilà euphorique.
J'aurais l'occasion de discuter avec l'un des passagers. Ils sont tous d'un groupe souhaitant comme moi effectuer la ballade des Tablelands. On me prévient que celle que j’ai prévu pour demain, le Gros-Morne, est paraît-il difficile. Je ris.
À la sortie du bateau, j'aurai encore à monter des montagnes de côtes (ou plutôt des côtes de montagnes), mais je le ferai sur un tout autre rythme. Passage à l'information touristique de Parcs Canada, puis enfin, la randonnée tant attendue. C'est majestueux et la guide est très intéressante. Tel que prévu, après une heure le ciel s'obscurcit. Je reviens sur ma monture, et une forte pluie nous inonde alors plus que généreusement. Je passerai l'heure suivante dans un petit café près du quai, dégustant un délicieux et roboratif chowder. Petite épicerie et retour à Rocky Harbour où j'ai pris une chambre dans un motel. Bonne idée, c'est le déluge.
05/09/2017
Rocky Harbour
23 km (Total: 1693 km)
Aujourd'hui est une journée importante. Les prévisions météorologiques se sont confirmées, on annonce 24 degrés, ensoleillé. Hourra! J'ai prévu un peu de vélo, en fait juste assez pour une sortie de trekking, le Gros-Morne.
Sur mon chemin, il y a le centre d'interprétation. Petit arrêt, plein d'information, employés affables, bien sympathique que tout cela. Puis, montées et descentes pour rejoindre le début du sentier. On estime entre 6 et 7 heures le temps nécessaire pour effectuer tout le parcours. Divulgâcheur, je vous annonce que je le ferai en 5h30.
Les souliers de randonnée ont ici toute leur raison d'être. Beaucoup de pierres, souvent humides, un peu de boue, un peu de marche en forêt. En fait, le sentier est impeccablement aménagé. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est facile, mais ça demeure accessible pour n'importe qui d'un peu en forme. La vue sur la montagne est imprenable, au loin on aperçoit même les Tablelands. Le plus formidable pour moi fut le retour. On longe alors le Gros-Morne dans une vallée et c'est sensationnel. Recommandé!
Retour tranquille, quelques grosses côtes, mais bons, on s'en fout avec la tête pleine d'images incroyables.
Pour ce soir, c'est le camping. L'épicerie de Rocky Harbour présente deux petites rangées d’aliments. À priori, j’ai l’impression d’être dans le paradis des végétariens souhaitant perdre du poids. En cherchant bien, je trouve deux tomates, un poivron, du fromage, un bocal de salsa et des pains à tortillas. Je mangerai de bon appétit ;-)
06/09
Deer Lake
73 km (Total: 1766 km)
Et voilà, c'est la dernière journée. Il pleut. En analysant les prévisions, je constate qu'à ma destination, Deer Lake, aucune pluie n'est prévue. Puisque j'aurai à passer la nuit à l'aéroport, ne souhaitant pas avoir les souliers mouillés, je décide de partir en gougounnes. Il y a un peu plus de 60 kilomètres à faire, ce qui ne me semble pas beaucoup et n'ayant pas trouvé de café ou de terrasse pour passer le temps à destination, flâne, me bourre de tortillas, mais finis tout de même par quitter.
Pour les sandales, ça va. Pour la pluie, après une heure il n'y en a pratiquement plus, alors c'est bon. Mais quatre autres éléments vont faire de cette journée une très mauvaise expérience. Un très fort vent de face, un parcours très vallonné, beaucoup de trafic et presque aucun accotement. Ça sera ma pire expérience de vélo de tout le voyage, et de loin. J'arriverai en début d'après-midi, quelque peu de mauvaise humeur. Je considère alors aller à la plage, mais imaginant tout le plaisir que j’aurais à être sandblasté, je prends le chemin de l'aéroport.
Une seconde mauvaise expérience m'attend. Alors qu'avant mon départ j'avais pris soin de m'assurer qu'Air Canada me fournira sur place le nécessaire pour emballer ma bicyclette, il n'y a rien en ce sens. Pire, je dois absolument emballer Fidel dans un contenant rigide. Il est 14h00 et je suis loin de tout. La préposée d'Air Canada me souhaite bonne chance. F**k!
Il y a de bonnes gens en ce monde. L'aéroport de Deer Lake présente un kiosque d'information touristique et l'employée, suite à la narration de mon problème, va déployer tous les efforts imaginables pour m'aider. Nous réussissons à contacter un vélociste à Corner Brook qui a une boîte gratuite pour moi. C'est tout de même à plus de 50 kilomètres. Je m'imagine mal parcourir 100 kilomètres à vélo, dont la moitié avec un énorme amas de carton. La dame réussit alors à rejoindre un chauffeur de taxi qui de Corner Brook, viendra travailler à l'aéroport pour 18h00. Il accepte de m'apporter le colis pour 25.00$. De bonnes gens je vous dis.
Mon vol partant à 5h30, et soit dit en passant ne m'ayant coûté qu'un peu plus de 200.00$ pour le trajet Deer Lake - Toronto, Toronto - Montréal, j'aurais bien des heures pour effectuer le démontage partiel de Fidel, l'emballage, la répartition des bagages entre mon sac à dos et la boîte de vélo (où j'ai droit à 50 lb). En milieu de soirée, je mange un peu au seul restaurant de l'aéroport, puis vais lire, écouter des balados et plus ou moins roupiller.
J’aurais le temps de calculer que, sur les 26 jours du voyage, j’en ai réellement pédalé 15, réalisant en moyenne un peu plus de 110 kilomètres par jour.
Tout se passera bien. Ma monture sera récupérée à l’aéroport de Montréal et un bon ami viendra me chercher.
En conclusion, ce fut un très chouette voyage à vélo. Des paysages inoubliables, 95% dans des situations confortables, pas trop de dénivelés, pas trop de problèmes mécaniques, de belles rencontres, du bateau, de l'avion, une vraie aventure quoi et pour un montant plus que raisonnable. Recommandé!
12/08/2017
Marina de Louiseville
110 km (Total: 110 km)
Premier jour de vacances, je suis très enthousiaste et me lève avant le soleil. Mon dynamisme est quelque peu freiné par une forte pluie. Je prends donc tout mon temps pour réviser mon bagage. Deux sacs, c'est bien peu pour contenir tout ce qu'il faut pour vivre pendant un mois. Disons qu'il y a l'essentiel ;-) Je fais des réserves de calories avec un copieux déjeuner et dès qu'il y a une éclaircie, je donne mes premiers coups de pédale. Hourrah!
@#$%! que ça n’avance pas! La vitesse affichée par mon cyclomètre est très décevante. J'ai l'impression d'avoir à fournir beaucoup d'effort pour dépasser 15 km/h. Bon, mon vélo est chargé de 18 kilos (40 livres) de bagages, l'état des rues de Montréal ne m'aide pas, les muscles de mes jambes ne sont sans doute pas encore réveillés, la pluie qui reprend, j’espère que ceci explique cela, car les 1600 kilomètres de prévus pour atteindre Terre-Neuve risquent d’être longs.
Arrivé au Stade olympique, je vais m’abriter. La pluie s'est intensifiée, mais surtout, ma vitesse me trouble. Dans le passé, il m'est déjà arrivé, à ma grande honte, de rouler bien des kilomètres avec un patin de frein appuyant sur une jante. Mais j’ai bien beau inspecter le vélo, tout semble correct! En faisant un peu d'arithmétique, je calcule avancer 1.6 fois moins rapidement. Mais, c’est bien sûr! Mon cyclomètre affiche la vitesse en milles plutôt qu’en kilomètres! Je reprogramme le tout et repars moins inquiet de mes performances athlétiques!
En sortant de Montréal, la pluie cesse et c'est sous un beau ciel bleu que je vais faire l’essentiel de cette première journée. Voyant que j’ai dépassé 100 kilomètres, j’arrête à Louiseville où un agréable camping situé en face de la marina est très accueillant. Quoique l’on entende un peu les sons de la circulation routière, l’ambiance est agréable. En début de soirée, je vais marcher dans un parc adjacent abritant une maternité de chauve-souris, illustrant bien l'un des plaisirs de voyager à vélo, soit d'effectuer des découvertes inattendues.
13/08/2017
Québec
176 km (Total: 286 km)
Une autre belle journée. Je me réveille en si bonne forme, que j’ai l’impression qu’hier, j’aurais pu poursuivre jusqu’à Trois-Rivières. Je m'y rends assez rapidement et une fois arrivée, je n’y demeure pas longtemps. C’est une fin de semaine de Grand prix automobile et même s’il est tôt, le bruit des moteurs s’entend partout en ville. J'y mange quelques biscuits bio-granole-santé-et-sans-sucre dans un parc et laisse derrière moi cette ambiance fort peu bucolique .
Retour sur le grand chemin où je rattrape un groupe composé d'une bonne centaine de cyclistes de route. Ils font partie du “granfondo Garneau-Québécor”. Je ne sais pas pourquoi ils ne roulent qu’à 25 km/h, mais je n’ose trop les questionner. Certains semblant froissés de me voir les dépasser sur ma lourde monture d’acier, chaussée de gros pneus et chargé pour le camping. Enfin...
Je rattrape un autre cycliste, celui-ci monté sur un vélo couché de route. Il m’autorise de le suivre et va littéralement m’aspirer pendant une bonne quinzaine de kilomètres. Petite jasette jusqu’à Sainte-Anne-de-la-Pérade où l’on se sépare. Merci!
Connaissant l'endroit, je me souviens de cet accueillant parc devant l’Église Sainte-Anne-de-la-Pérade (on y retrouve aussi le Bureau d’information touristique des Chenaux, donc des toilettes et de l’eau potable). Je vais y faire sécher ma tente pendant que je mange, puis m’évanouis quelques minutes. Repu et reposé, je vais réaliser mon plus long kilométrage jamais parcouru, soit 176 kilomètres, ce qui va me permettre de rejoindre de bons amis qui me reçoivent avec tous les égards et surtout, m'offrent un lit douillet. Zzz...
14/08
Québec
6 km (Total: 292 km)
Ah, comme j'ai bien dormi! Un vrai lit, une vraie douche, quel luxe! Mes hôtes vont m’accorder leur après-midi et ainsi nous allons nous empiffrer de sushis, visiter la citadelle de Québec, prendre une bière dans le vieux et conclure cette splendide journée par un festin à la maison. Je vais longtemps traîner avec moi ce plein de calories et de bonheur..
15/08
L’étape
94 km (Total: 386 km)
J'ai souvent pensé faire le Parc des Laurentides à vélo, supposant que la nouvelle route est facile, les pentes y étant aplanies et l’accotement élargi. Il y a tout de même cette idée que c’est une forte longue montée jusqu’à L’Étape, aussi ai-je prévu d’y arrêter, un parc de la Sépaq y étant adjacent. J’y pourrai donc prendre une douche et m’alimenter au restaurant. Point d'inquiétude pour les ours, l'une de mes sacoches contient un baril où je dépose déodorant, dentifrice et denrées odorantes, laissant le tout bien loin de mon campement la nuit venue.
Je débute par le chemin passant par Farnham, et ce, le plus longtemps possible. Ça se révélera une bonne idée, le trafic y étant pratiquement nul. Anecdote, cette route s’appelle “Talbot”, comme ça le sera lorsque j’arriverai à Chicoutimi.
Tout se passe aisément. Le paysage est bien joli et surtout, aucun trou dans la chaussé et quel accotement! Pratiquement une voie supplémentaire. Le seul moment plus excitant est lors d’une descente. Alors que je file à environ 50 km/h, une maison me dépasse. L’ensemble génère beaucoup de turbulences, aussi dois-je bien retenir Fidel de partir dans le fossé. Mettons que ça réveille ;-)
Le camping La loutre est très bien. Notons les douches en acier inoxydable et un abri pour cuisiner. Après m’être débarrassé de cette épaisse couche de sueur et de crème solaire, c’est à pied que j’irai manger une excellente soupe aux gourganes au restaurant de L'Étape.
Pour ce voyage, j'ai opté pour des souliers de randonnée, qui je dois bien l’avouer, même s’ils sont un peu moins efficaces pour pédaler, m’accorde un confort incomparable. Comme quoi, les pédales à déclenchement automatique ne sont pas toujours une nécessité.
16/08/2017
Chicoutimi
116 km (Total: 502 km)
Au réveil, je prends la terrible décision de sortir de mon sac de couchage. J’apprendrai un peu plus tard qu’il faisait alors 5˚ Celsius. Être resté quelques minutes de plus, on m’aurait retrouvé au printemps après une longue hibernation.
Puisque je peux manger confortablement, j’en profite, laissant la température monter. C’est donc sous un généreux 7˚ Celsius que je m’élance. Bel accotement, pentes douces, camionneurs respectueux, tout irait bien si ce n’était ce vent de face du nord, par conséquent glacial, et cette absence de soleil. L’avoir sur, j’aurais continué hier. Surtout qu’aujourd’hui, heureusement, ça descend (815 mètres de dénivelé négatif).
À Chicoutimi, l’arrivée sur le boulevard Talbot est très désagréable. Il n’y a pas d’espace pour les cyclistes et les automobilistes ne semblent pas vouloir partager l’espace. Dès que possible, je passe dans les rues résidentielles, mais dois me résoudre à emprunter les trottoirs (il n’y a aucun piéton) pour ne pas me sentir menacé.
Je termine ma course au port où je me repose et grignote en attendant ma soeur qui viendra me chercher. Nous passerons une agréable soirée à la Voie maltée; bonne bière et bonne bouffe! Et puis, le luxe se poursuit avec une autre nuit dans un bon lit ;-)
17/08 et 18/08
0 km (Total: 502 km)
Chicoutimi et Sainte-Rose-du-Nord
Les deux prochains jours seront passés en famille. Pas de vélo donc. Jusqu'à présent, c'est donc un voyage aisé, car je bénéficie d'un accueil chaleureux, de vraie nourriture et de, somme toute, beaucoup de repos.
19/08
Forestville
110 km (Total: 612 km)
Terra incognita. Ça commence plutôt bien, en fait sur une véritable piste cyclable. La route sera à peine vallonnée, présentant presque toujours un raisonnable accotement. Soit dit en passant, je bénéficierai d'un léger vent de dos jusqu'à Natashquan. Cette première journée sur la véloroute des baleines se terminera au camping de Forestville où l'on m'offrira une grande plate-forme pour ma tente. L'Hexamid-Solo Plus de Zpacks n'étant pas autoportante, on m'enverra alors, au rabais, sur la plage. Ce qui m'arrange, désirant me réveiller au lever du jour. En effet, lorsque je suis seul, j’ouvre les yeux vers 5h30, ramasse mon grabat en mangeant quelques noix et c'est tout.
Le camping n'est pas le plus beau du voyage, mais c'est le moins cher. Voilà qui a le mérite d’être honnête. On peut jouir du wi-fi près du bureau d’accueil, mais la réception des moustiques est de loin supérieure à celle des internets ;-)
20/08/2017
Baie-Comeau
107km (Total: 719 km)
C'est plus l'habitude que l’astre solaire qui me réveille, le ciel gris tendant vers le noir. Je prépare l'équipement de pluie que je dispose sur le dessus de mes bagages. Alors que je tente de partir, Fidel se rebelle. Il a besoin d'un peu d'attention. Une généreuse averse se manifeste alors. Brave bête que ce Fidel. M'ayant ainsi averti, je peux alors profiter des sommaires installations pour revêtir mes pantalons de pluie, bien au sec. C'est que, ça tombe vraiment beaucoup. Voyant que ça n'arrêtera pas de sitôt, je me résous à monter en selle et entreprends le débute d’une longue montée pour rejoindre la route principale.
À peine sortie du camping, un badaud en imperméable m'interpelle: "Faites-vous partie de l'équipe de tournage?". « Euh non ». L'individu m'indique alors qu'en raison de la présence d'une production américaine (j’apprendrai plus tard qu’il s’agit de l’adaptation de “La vérité sur l’affaire Harry Quebert“), je dois prendre une route de contournement, non pavée, sur plusieurs kilomètres. Eille chose, penses-tu vraiment que c'est possible? "Bon, ben fais ça vite d'abord". Ben oui c’est ça, traîner 70 livres dans une côte de 10%, c'est sûr que je vais faire ça vite...
Je rencontre bien des techniciens sur la route, confirmant la réalisation cinématographique. Et personne ne s'occupant de moi, quitte cette zone fort occupée.
La route sera similaire à celle d'hier, bien agréable. Les blagues les plus courtes étant les meilleures, la pluie cessera en matinée. Je pourrai donc poursuivre en bobette, car tous les cyclistes savent bien que le mot cuissard n'est qu'un habile subterfuge pour nous permettre de pratiquer notre activité physique dans le quasi plus simple appareil. Rendu à Baie-Comeau, j'embarque sur la piste cyclable urbaine, évitant l’important trafic. La ville offre tous les services et je choisis de m'arrêter pour me sustenter au IGA local, judicieusement situé à quelques mètres de la SAQ.
Puis, j'irai rencontrer la mère d'une amie, qui me recevra avec son conjoint. M et J sont chaleureux et je me sens privilégié d'être si bien accueilli. Jus santé, repas aussi délicieux que roboratif, dessert goûteux et un autre bon lit pour reposer mes muscles endoloris. Et puis, quelle sympathique compagnie! Leur demandant si mes doutes sont fondés quant aux pentes qui m'attendent demain, ils me répondent que c'est le tunnel qui leur paraît plus inquiétant. Le tunnel? Quel tunnel? Hum...
21/08
Baie-Trinité
98km (Total: 817 km)
Je quitte avec quelques regrets cette oasis de félicité. C'est aussi la fin de la véloroute des baleines. La garantie de Vélo Québec se termine donc ici. Je découvre rapidement pourquoi. L'accotement disparaît complètement régulièrement et pourtant il y a encore pas mal de circulation routière. Bonne chose que j'emploie un rétroviseur et aussi que je porte en permanence une camisole filet dotée d'un gros "X" jaune réfléchissant à l’arrière. Après quelques kilomètres, les premières montées se manifestent. Pour ajouter du piquant à l'aventure, un gros chien jaune sort d'une entrée en jappant bruyamment. Pauvre bête, je jappe plus fort que lui. Il adopte immédiatement une position de soumission et j'en suis presque à regretter mon attitude brutale. Bon, je passe quelques minutes en sa compagnie et rassuré, il se couche, me laissant à ma situation temporaire d’itinérance.
Ouais, ça monte. Je vois des panneaux annonçant 12%. Ça doit être à peu près ça. Je me console avec les souvenirs des Rocheuses, de la Cabot Trail, des Appalaches et de biens d'autres ascensions plus viriles et puis, il fait beau, alors pourquoi se plaindre. De toute façon, ne souhaitant pas gaspiller mes forces inutilement, je prends simplement un petit braquet et mouline patiemment; "Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage" (La Fontaine, "Le lion et le rat").
Lors d'une descente plutôt pentue, je vois sur un panneau routier que la limite de vitesse est fixée à 55 km/h. Bon, pas tout à fait sûr, il a passé vite. Je m'attends à un virage serré, mais c'est LE tunnel qui pointe à l’horizon. J'opte pour un passage rapide et conséquemment, me penche sur mon guidon afin d'offrir le moins de résistance possible au vent. Deux motocyclistes surviennent alors, l'un se place devant moi, à ma gauche, l'autre derrière. Ainsi escorté, je passe dans le noir à 73 km/h. Puis, l'un d’eux m'envoie un pouce en l'air et mes anges gardiens disparaissent. Chouette rencontre!
Ma journée se termine chez M, amie de J, qui m'offrira cuisine et douche ainsi qu’une bonne compagnie pour le souper. Ce sera une belle soirée que je devrais quitter trop tôt, étant fatigué par tout ce kilométrage et bien sûr, toutes les montées réalisées. Je m'endors au son du fleuve, dans mon petit abri.
22/08/2017
Sept-Îles
140 km (Total: 957 km)
Jusqu'à Natashquan, l'accotement sera variable. Généralement il y en a, mais la qualité et la largeur ne sont pas toujours au rendez-vous. Et puis, en approchant de Sept-Îles, la circulation s'intensifie. Vigilance! Je dois accorder une note plus que positive à la très grande majorité des camionneurs qui font tous l'effort de s'écarter le plus loin possible lorsqu'ils me dépassent. Merci!
En début d'après-midi, quelques kilomètres après Port-Cartier où j'en ai profité pour prendre un peu de repos et m'alimenter légèrement, je vivrai le premier et seul problème "mécanique" du voyage. Lors d'une bonne descente, boum, une crevaison. Je positionne Fidel sur le dos et constate, malheur, que ce n'est pas un objet pointu qui a pénétré le pneu, mais plutôt une déchirure sur le flanc qui a laissé la chambre à air s'échapper. Alors qu'il m'apparaît qu'une réparation digne de ce nom semble improbable, j'ai à peine le temps de voir une voiture de la Sûreté du Québec passer sur la route. Quelque peu surpris qu'il ne se soit arrêté pour s'enquérir de mon état (je lui aurais alors demandé de m'appeler un taxi de Sept-Îles), un automobiliste a la délicatesse de m’offrir son assistance. C'est bien gentil, hélas il va dans la direction opposée. Non seulement ça ne m'avancerait pas, mais je suppose qu'il est bien plus probable de dénicher un vélociste à Sept-Îles qu'à Port-Cartier. Alors que nous discutons, une voiture de la SQ (la même?) passe sur la route, toujours sans s'arrêter...
Me retrouvant seul, j’installe entre la chambre à air et la déchirure du pneu plusieurs rustines (sans les coller). Je sous-gonfle la chambre à air, remonte le tout et croise les doigts. Alors que je pédale, je me demande si je n'aurais pas dû plutôt inverser les pneus, même si celui d'avant est bien plus étroit (28 par rapport à 32). J'hésite à entreprendre cette chronophage opération. Il est passé 15 heures et si je veux arriver avant la fermeture des magasins, je dois rouler à 25 km/h en moyenne. Ce n'est pas trop demandé, mais en même temps, ça ne m'accorde pas beaucoup de latitude.
Il est pratiquement 17h00 quand j'arrive en vue de Sept-Îles. J'ai réussi à conserver une vitesse supérieure au besoin, ma "réparation" a tenu et il y a même une excellente piste cyclable pour me recevoir. J'arrête un cycliste de route, lui faisant part de mon problème. Ce dernier m'indique le chemin à suivre pour rejoindre un vélociste probablement en mesure de me fournir un pneu pouvant répondre à mes besoins. Bon, quelques kilomètres à faire aller les mollets en priant que ça tienne! J'arrive au magasin bien content de constater qu'il est toujours ouvert. Les sympathiques préposés installent un Roubaix quelque chose, taille 32, ce qui somme tout est très bien en regard des circonstances.
Le ciel s'obscurcit, mes provisions sont basses, hors de question d'aller monter la tente en rase campagne. Je déniche une auberge de jeunesse qui va s'avérer un incontournable pour quiconque va à Sept-Îles. Personnel sympathique, toutes les commodités, décor et ambiance agréable, vraiment, quelle trouvaille!
Auberge internationale Le Tangon
23/08/2017
Rivière-au-Tonnerre
125 km (Total: 1082 km)
Passé Sept-Îles, la circulation va pratiquement disparaître. Ça me laisse plus de temps pour admirer les paysages, qui sont particulièrement saisissants. Au fil de la journée, un épais brouillard va s'installer, donnant un aspect fabuleux à tout ce qui m'entoure. D'immenses rochers sur la plage, puis quelques habitations vont m'annoncer Rivière-au-Tonnerre. Constatant un nombre de trois chiffres sur mon cyclomètre, il m'apparaît sage d'y établir mes quartiers. Je trouve nourriture à l'épicerie et vais voir la magnifique église. Notons les noms de rues écrits à la main, dans un style artistique.
24/08/2017
Havre-St-Pierre
105 km (Total: 1187 km)
Une autre journée de rêve pour un cycliste. C'est le début de la Minganie et je vois les îles de l'archipel. Nonobstant mon âge vénérable mes performances furent excellentes, aussi pourrai-je passer quatre nuits à Havre-Saint-Pierre, ce qui va me faire trois jours de tourisme, sans vélo. Souhaitant en profiter au maximum, je décide de ne pas faire de camping et plutôt retenir soit une chambre dans un gîte, soit un studio. Je débute mon magasinage "Au gîte chez Françoise". Une affiche "Complet" ne me décourage pas. Françoise est très sympathique, mais confirme qu'elle ne peut me recevoir ce soir à tout le moins. Elle me recommande le "Gîte 4 saisons", pas très loin. J'y serai accueilli par Cécile, qui comprendra rapidement mes besoins et va me procurer tout ce dont j'ai besoin. L'une des très bonnes décisions pour ce voyage.
Gîte 4 saisons
Une fois le problème de l'habitation réglée, je passe à l'épicerie où je comble mes désirs. Une bonne douche, un peu de cuisine et hop, dans le lit à regarder quelques vidéos de cyclotourisme pour me changer les idées ;-)
25/08/2017
Havre-Saint-Pierre
0 km (Total: 1187 km)
Je me lève un peu plus tard, mais tout de même pas trop. Cécile offre le déjeuner dès 7h00 et il est excellent, alors pas question de le manquer. C'est aussi un moment pour rencontrer les autres voyageurs de passage; touristes bien sûr, mais aussi professionnels ayant à travailler dans la région. C'est aussi divertissant qu'enrichissant. Et puis, j'en profite pour glaner de l'information sur les attraits touristiques locaux ainsi que ceux à venir.
Le kiosque de Parcs Canada est situé dans le même bâtiment que celui des croisières pour les îles, à 15 minutes de marche. Sans vélo, j'adopte un autre rythme, plus flâneur et peut-être aussi plus fatigué ;-). Voilà qui est bien. Je profite de l'air du large et de la plage le long de "La promenade des anciens". Disons que ça me prendra bien plus que 15 minutes ;-)
Une fois arrivé, avec l'information obtenue, je fais l'achat de deux excursions. Puis, je vais passer le reste de l'avant-midi à la "Maison de la culture Roland-Jomphe". Ce monsieur a fait connaître la Minganie par ses poèmes, mais surtout par son enthousiasme. Un ancien magasin général est dédié à son travail d'ambassadeur ainsi qu'au patrimoine cayen. J'apprécie particulièrement les témoignages vidéo présentés.
Je devrai retourner à mon logement pour une sieste, les mille kilomètres dans les jambes réclamant un peu de repos. Puis, une autre épicerie (j'ai FAIM!), un pique-nique en ville, et une soirée plutôt tranquille où je m'endormirai très, très tôt...
26/08/2017
Havre-Saint-Pierre
0 km (Total: 1187 km)
Je me sens bien mieux ce matin. J'avais définitivement besoin de repos. Quelle bonne idée d'avoir choisi un endroit confortable. Après l'excellent déjeuner de Cécile, je vais à la marina de Havre-Saint-Pierre pour ma première sortie; quelques heures sur la Grosse Île au Marteau. Une fois dans le bateau, le pilote me demande "Prêt?", je lui rétorque "mais où sont les autres touristes?" et il me répond "vous êtes le seul aujourd'hui monsieur". Eh bien. Bon, la météo n'est pas trop positive, peut-être les vacanciers sont-ils connectés en permanence sur Météomédia? De mon côté, dans mon sac à dos imperméable, j'ai tout ce qu'il faut pour affronter les éléments.
Une fois sorti de la marina, le pilote me demande s'il peut accélérer. Faites mon brave. Vroum, nous voilà sur le point de quitter la mer pour les airs! C’est grisant. Une fois arrivée, sous les ordres de mon capitaine, je manoeuvre l'escalier pour me permettre de descendre sans avoir à me mouiller les pieds. Quel luxe! Agitant mon mouchoir vers le navire, je me retrouve absolument seul sur ce petit endroit paradisiaque. Le ciel est gris, et il y a une toute petite pluie qui va bientôt cesser pour toute la journée. Tant pis pour les abonnés de Météomédia!
J'aurais largement le temps d'en faire le tour, prendre quelques photos et surtout, profiter pleinement de ce bel endroit. Une saine activité très ressourçante.
27/08/2017
Havre-Saint-Pierre
0 km (Total: 1187 km)
Quel plaisir d'être vacancier! Je retourne donc à la marina, mais cette fois-ci, il y a foule. Il faut dire que j'ai choisi pour aujourd'hui les deux îles les plus populaires, Quarry et Niapiskau. Les monolithes y sont spectaculaires, aussi Parcs Canada y a conçu tous les aménagements nécessaires pour permettre un accès facile au plus grand nombre. En plus, les guides nous informent sur la faune, la flore et es spécificités géologiques. Roland Jomphe a droit aussi à quelques minutes de gloire bien méritées.
Notons que si la randonnée sur Quarry est très facile, celle de Niapiskau est un peu plus demandante. Nous n'y sommes que trois, un quatrième explorateur ayant abandonné l'idée suite à la description des sentiers. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est sportif, mais disons qu'il ne faut pas trop perdre de temps si l'on veut repartir avec le bateau. Et puis, la carte de l'endroit et le GPS de mon téléphone nous ont servi à deux reprises. Les indications étant quelque peu ésotériques ci et là.
Au final, ces deux jours de promenade ont été magiques et je recommande vraiment ces excursions. Enchanteur!
28/08
Natashquan
155 km (Total: 1342 km)
Un autre matin où je prends tout mon temps. J'ai vraiment aimé Pointe-aux-Esquimaux et ce n'est que vers 8h00 que je remonte en selle. Avec tout ce repos, j'ai les mollets en feu et j'arriverai à Baie-Johan-Beetz avant 11h00! On m'en a vanté le charme, et c'est tout à fait justifié. Après un peu d'exploration, je repars, déterminé à faire la plus grande distance possible en cette formidable journée. Je réussirai à compléter la seconde partie de mon voyage, soit la "Route des baleines", en mettant le pneu à Natashquan.
Les esprits pointilleux pourraient me rappeler que la route se poursuit jusqu’à Kegaska. Certes, mais elle n’est pas encore asphaltée…
Il n'y a eu pratiquement aucun trafic, ce qui a été bien agréable. Puisqu'il fait si beau, je vais au camping municipal qui est pratiquement à distance de marche du village. J'aurais le temps de passer au bureau d'information touristique où les charmantes préposées me renseignent sur les activités locales. En plus, j'y bénéficie d'un endroit confortable pour bénéficier du wi-fi.
29/08
Natashquan
15 km (Total: 1357 km).
Ami lecteur, tu auras compris qu'un calendrier était sous-entendu pour ce voyage. En fait, il n'y a qu'un paramètre temporel que je dois respecter si je veux aller à Terre-Neuve. Pour atteindre cette destination, je dois prendre un traversier à Blanc-Sablon. Et pour aller à Blanc-Sablon, il n'y a que deux possibilités: une route partant de Baie-Comeau (passant par Fermont, Labrador City, Churchill Falls, etc.) de plus de 1700 kilomètres ou un bateau, le Bella Desgagné, administré par Relais Nordik, reliant toutes les petites communautés entre Natashquan et Blanc-Sablon. Même si ce navire a comme première vocation le ravitaillement de la basse Côte-Nord, il accepte aussi les passagers, voire les croisiéristes. Bémol, il ne passe qu'une fois par semaine dans la direction est. Pour Natashquan, le passage est prévu mercredi après-midi. Mon itinéraire a été conçu en considération de cette contrainte.
Étant mardi, j'ai toute la journée pour profiter de Natashquan. Mon exploration débute par la "Vieille école". Une véritable institution, qui a souvent été physiquement déplacée, maintenant un musée principalement dédié à la vie de Gilles Vigneault et celle des personnages qui l'ont inspiré. La visite terminée, je passe un peu de temps à la superbe église située tout près. Bien entendu, je repasse ensuite à l'épicerie pour tenter de combler mon insatiable appétit. Ceux qui me connaissent seront surpris d'apprendre que j'ai commencé à perdre du poids. Ceux qui font du vélo le seront moins ;-) Retour à l'information touristique pour rédiger une carte postale à mes biens aimés collègues de travail. J'en profite pour m'enquérir de la situation du bateau et j'apprends qu'il a pris plusieurs heures de retard. Il a été demandé de voir sa vitesse réduite en raison de la grande présence de mammifères marins. Une sieste en après-midi, passage au célèbres Galets, plus que centenaires hangars de pêcheurs et finalement retour au camping pour un bon repas, une petite promenade et dodo.
30/08/2017
Natashquan
6 km (Total: 1363 km)
Retour à l'information touristique pour savoir ce qui advient avec mon bateau. Alors que le départ aurait dû avoir lieu vers 15h00, il est reporté à 23h00. Bigre! Me voilà avec une journée complète dans ce petit village. Je m'installe confortablement pour rédiger ma correspondance, avec l'accord des aimables préposées. Ce n'est pas une mauvaise idée, puisque ça me donne l'occasion de voir tous les touristes, et prendre note de ceux qui embarqueront avec moi ce soir.
Après un chouette pique-nique sur la plage, je vais à L'Échourie, sorte de restaurant-bar-salle-de-spectacle. J'y lis confortablement avec un thé et y finis par prendre un très bon spaghetti aux moules pour souper. Ne souhaitant pas rouler dans la noirceur, je quitte pour le quai où je vais attendre plusieurs heures le Bella Desgagné. Encore là, je sympathiserai avec mes futurs compagnons de bord.
Pour le billet, point de folles dépenses. J'ai cassé ma tirelire à Havre-Saint-Pierre, voilà qui suffit. Je prends donc un passage avec pas de cabine, ce qui me coûte 150.00$. Quant à Fidel, il lui est demandé une vingtaine de dollars pour son passage.
Le bateau est impressionnant, surtout qu'il arrive de nuit, déployant donc force éclairage. Il faut être prudent, car il y embarquement et débarquement de marchandises. Et c'est à travers le ballet des conteneurs que je monte sur l'appareil.
À l'intérieur, on m'apprend qu'il est interdit de s'étendre sur le sol. Par contre, je pourrais à peu près dormir dans ce qui se rapproche de fauteuils d'avion. Le marchand de sable m’ayant visité depuis déjà plusieurs heures, je dois lutter contre le sommeil pour faire le tri de mes bagages. Pour la modique somme de deux dollars, je peux entreposer la majorité de mes effets dans un profond casier où entre aisément mes deux sacoches. Mais puisque le paiement doit s'effectuer à chaque usage, autant régler la chose une fois pour toutes. Vêtements de rechange, brosse à dents, dentifrice, téléphone, écouteurs, sandales, ...
Il est plus de minuit quand je m'évanouis. Le mal de mer? Pfft, trop fatigué pour y porter intérêt ;-)
31/08
8 km (dans un bateau?) (Total: 1371 km)
Ayant choisi un pont inférieur pour la nuit, il y fait sombre et frais, alors j'ai tout de même relativement bien dormi. Mes compagnons de cale sont essentiellement des Innus qui utilisent le service comme je le ferais pour l'autobus. À titre de résidents de la basse Côte-Nord, ils bénéficient d'un tarif préférentiel. Plusieurs sont accompagnés de leurs enfants, ce qui a le mérite d’animer quelque peu la vie à bord.
Curieux de ce qui se passe à l'extérieur, je monte jusqu'au pont le plus élevé et ai la chance de voir apparaître La Romaine dans le brouillard. C'est féérique. On y descend et, oh surprise, le conteneur de Fidel est débarqué où je le vois bien installé sur un adéquat support parmi plusieurs bicyclettes de croisiéristes. Avec deux autres touristes, nous partons pédaler dans le village. Une expédition particulièrement intéressante. Vraiment chouette que de disposer d'un vélo pour aller bien plus loin qu'à pied. Les routes sont asphaltées, alors ça roule bien.
Retour au navire où les nouveaux sont conviés pour une courte rencontre d'information nous informant des règles à observer et de la navigation à venir. Par exemple, il y a deux endroits pour se sustenter: une salle à manger, où ça semble aussi bon que cher, et une cafétéria à la définition inverse (quoique, c'est un peu cher). Je déjeune au second endroit, mangeant honnêtement, mais sans plus.
Un peu plus tard, nous pourrons visiter Harrington-Harbor, village québécois des plus connus ayant servi de lieu de tournage pour le célèbre film "La grande séduction". Un endroit des plus singuliers avec ses trottoirs en bois permettant le déplacement rapide des résidents chevauchant des quatre roues. Deux petites épiceries permettent de m'alimenter; bonne idée, car à la cafétéria, le repas du jour est hot-chicken et le repas du soir sera... hot-chicken! Pas trop intéressant pour un végétarien n'appréciant pas le pain blanc ;-)
En soirée, afin de respecter l'ambiance, on nous présentera le film "La grande séduction". Sympathique.
À travers tout ça, j'ai passé du temps avec plein de gens agréables, d'un peu partout, voyageant de toute sorte de façon, bref une belle journée.
01/09/2017
0 km (Total: 1371 km)
Et l'hygiène me direz-vous? Ah oui, j'ai oublié de vous en parler. Alors si vous êtes riches, votre cabine offre tout le nécessaire pour effectuer votre toilette. Mais si vous êtes pauvres ou pingres comme moi, sachez que le Bella-Desgagné dispose de douches communes. Inquiets? Que nenni! Les installations sont impeccables, l'eau est très chaude, et il n'y a pratiquement personne. Bon, vous devez apporter une serviette, mais il y a tout de même du savon de fourni. Excellent!
Après un déjeuner correct, l'animatrice du navire nous présente "Les richesses de la mer". Sa spécialité étant les mammifères marins, je vous assure que ce fut une très instructive présentation. Quelle passionnée!
En début d'après-midi, avec bien des heures de retard, nous débarquons à Blanc-Sablon. C'est sous une forte pluie que je pars avec Fidel. Près du Bella Desgagné, je vois le traversier pour Terre-Neuve et ainsi disparaît mon projet d'aller rouler quelques kilomètres au Labrador. Après avoir avancé ma montre d'une heure et demie et acheté mon passage dans un bureau humide pour une vingtaine de dollars, je m'installe devant tous les véhicules tel que m'a demandé l'employé du port. Hélas, un autre m'indique que les cyclistes n'embarquent qu'en toute fin et je devrai subir le vent et la pluie pendant près d'une heure. Alfred, un Franco-Labradorien, viendra un peu me tenir compagnie, ce qui est bien gentil.
Enfin j'embarque. Seul cycliste du voyage, j'ai peine à comprendre pourquoi m'a-t-on fait ainsi tant attendre. Enfin, une fois Fidel bien arrimé, je monte sur un pont avec mes sacoches. J'ai l'ai un peu idiot avec mes gros bagages, tout dégoulinant d'eau. Mais puisque les automobilistes m'ont croisé lors de l'embarquement, j'imagine qu'ils s’expliquent ma situation. Je me trouve un siège un peu isolé et m'accroupis dans ma flaque alors qu'un passager au visage familier vient me rejoindre, Alfred.
On échangera alors pendant toute la traversée, et surtout, je bénéficierai de plusieurs conseils pour la suite de mon périple.
À la sortie du bateau, c'est le déluge! En plus, il y a un fort vent de face et il fera bientôt nuit. Sur les conseils d'Alfred, une fois la première côte montée, j'arrête au motel où il y a un restaurant. On me trouve une chambre et même si l'ensemble ne paie pas de mine, je suis content. Plus par désoeuvrement que par véritable intérêt, je vais au restaurant. L'appétit vient en consultant le menu et je me laisse tenter par l'assiette de pétoncles. Dans l'attente, je peux un peu mieux percevoir le décor et non, je n'ai pas trop confiance en ce que l'on va me servir. Et puis, surprise, je dégusterai la meilleure assiette de pétoncles à vie; c'est parfumé et sucré. Un délice!
Retour à ma chambre où, au son de la pluie qui frappe ma fenêtre je regarde les vidéos Youtube du “Bicycle Touring Pro”. Ça tourne à l'obsession mon affaire ;-)
Bicycle touring pro
02/09/2017
Port au choix
92 km (Total: 1463 km)
Bon, ça ne peut pas toujours être facile. Il a plu, il pleut et il pleuvra toute la journée. Et il vente. Au bout de plus de 80 kilomètres de ce régime, j'en ai un peu marre. Problème, mes souliers supposément imperméables ont pris l'eau. La semelle intérieure est complètement trempée. Pas de camping ou de motel en vue. Deux choix s'offrent à moi: faire un détour de 15 kilomètres pour rejoindre Port au Choix ou poursuivre et espérer un miracle, sinon dormir misérablement dans la flotte. Raisonnable, je tourne vers l'ouest pour Port au Choix. Il y a bien une publicité de motel, mais le vent surpuissant souffle directement contre moi et j'avance à peine. Quelle horreur, c'en est ridicule! Après plus d'une heure d'efforts soutenus, j'arrive enfin à une épicerie où je me ravitaille lourdement. Puis, encore quelques kilomètres de misère pour atteindre le motel “Sea Echo”, où, joie, il reste une chambre. Ayant eu la bonne idée de récupérer quelques circulaires à l'épicerie, j'en bourre mes chaussures afin que le papier absorbe l'humidité. Je vais réitérer à plusieurs reprises, avec quelques sessions de séchoir et parviendrait ainsi à des chaussures sèches pour le lendemain. Entre temps, je vais manger au restaurant du motel. Rien de comparable à hier, dommage.
03/09/2017
Parc Gros-Morne
124 km (Total: 1587 km)
Avec le retard du Bella Desgagné, je me retrouve un peu à la course. J'aimerais bien faire de la randonnée sur le Gros-Morne et dans les Tablelands. Mais mon billet d'avion pour le vol de Deer Lake est dans trois jours. Je devrais alors faire un petit effort supplémentaire. Pour aujourd'hui, il serait bien que j'atteigne l'entrée du Parc national Gros-Morne, situé à plus de 100 kilomètres. Je me à 5h30, crache sur le déjeuner inclus dans le prix de la chambre servi à partir de 7h00, et pars sur Fidel. La première heure est correcte, après ça se gâte. Le sentier des Vikings porte bien son nom. Pour ce troisième chapitre de mon aventure, j’aurais à lutter contre un quasi vent de face. Ce n'est pas une surprise, il souffle de la mer, c'est le vent dominant. Mais aujourd'hui, il est bien enthousiaste, car il me rentre dedans à 40 km/h.
Ma seule distraction de la journée sera le Parc provincial des Arches. C'est très joli.
J'arriverai au camping du Parc national Gros-Morne épuisé. Une bien exigeante journée. La dernière section de la route est un chemin de terre, parsemé de trous. Comme si je n'avais pas assez souffert! Le Roubaix tient, même s'il m'inquiète toujours un peu, doutant que ce soit la vocation pour laquelle il a été conçu. Après avoir monté la tente, m'être lavé, et mon linge et avoir bien mangé, j'essaie avec mon cerveau mou d'échafauder un plan qui me permettra de réaliser mes deux randonnées...
Ma première idée est de me rendre demain à Rocky Harbour (60 kilomètres), y abandonner Fidel et l'essentiel de mon bagage à un terrain de camping ou un hôtel, faire du pouce jusqu'au Tablelands (75 kilomètres), effectuer la randonnée, revenir sur le pouce, manger, m'évanouir. Puis, en regardant la carte, je constate qu'il y a bien peu d'eau entre Norris Point (Rocky Harbour) et Bonne Bay. Et de là, il n'y a que quelques kilomètres pour rejoindre les Tablelands. Comme je le supposais, Google m’indique qu’il y a un service de bateau taxi. Problème, il n'y a qu'un départ, soit à 9h00. Solution envisagée, me lever à 5h00, partir à 5h30, ce qui m’accordera 3h30 pour parcourir 60 kilomètres, pfft facile! Je règle mon réveil et m'endors naïvement sur cette stupide idée.
04/09
Rocky Harbour
83 km (Total: 1670 km)
Je me réveille en pleine nuit. Mais qu'est-ce qu'il fait noir. Regardant l'heure, je vois d'un oeil qu'il est 4h05. Ah non, je ferme les yeux. Zzz...
Je me réveille pour une seconde fois. C'est encore la nuit. 4h45. Bon, ça va. Dans le noir absolu (la tente est montée dans un terrain boisé), je vais démonter et ranger, manger une poignée de noix, remplir mes bidons et partir.
Premier défi, affronter le chemin plein de trous. Il y en a vraiment beaucoup. Je dirais un trou au 30 centimètres. Et ces maudits trous dépassent souvent 30 centimètres de diamètres. La puissance de ma lampe frontale n'est pas si mal, mais je crois que c'est surtout ma vision qui n'est pas complètement réveillée. Et ce maudit pneu de route à l'arrière qui subit des chocs inquiétants. Le manège dure une bonne quinzaine de minutes pour enfin s'arrêter alors que l'asphalte se montre. Ouf!
En plus de la lampe frontale, j'ai aussi deux lumières sur mon casque et deux autres à l'arrière, soit une sur chacune de mes sacoches. Et je porte toujours mon gros “X” réfléchissant. Il n'y a absolument personne sur la route. L'accotement est étroit, alors je roule un peu sur la voie de droite. Et puis, il n'y a pas de vent! Ça devrait donc être facile ce petit défi.
Alors que la lumière naturelle commence à apparaître, le spectacle est extraordinaire. Le soleil se lève sur ma gauche, mais derrière les formidables montagnes du Parc Gros-Morne, dessinant leur contour avec précision, alors qu'à ma droite, il y a la mer. Devrais-je m'arrêter pour prendre quelques clichés? Avec un vieux téléphone, le résultat ne pourra être que décevant. Et puis, si ces quelques minutes ainsi investies me faisaient rater le bateau, j'en serais bien contrit. Tant pis. Je tente au mieux de graver dans ma mémoire la magie du moment.
Peu de temps après, le vent est bien installé, et à son habitude, souffle de la mer… ce qui signifie contre moi. Je perds de la vitesse, et me retrouve à rouler pratiquement à la limite de ce que je dois faire. Allez, un petit effort pour accumuler une réserve au cas où.
Alors que je commence à être plutôt fatigué de pousser plus que je ne m'y attendais, les choses empirent. La chaussée devient scarifiée, et ce, annoncé pour plusieurs dizaines de kilomètres. Ma vitesse passe à 13 km/h. Ça ne va plus du tout. J'ai bien beau forcer, je suis incapable de dépasser 15 km/h. Tabouère! Ça va durer ainsi jusqu'à ce que je laisse la 430 pour Rocky Harbor. À ce moment, j'ai encore 12 kilomètres à parcourir et il est 8h20. Calcul rapide, si je remonte à une moyenne de 18 km/h, je vais y arriver.
Une bonne descente, une petite remontée, un chemin de campagne. Ça va relativement bien, jusqu'à ce que, pour d'inexplicables raisons, le vent se déchaîne. De kossé? Puis, apparaît une monstrueuse pente. Je me retrouve à peiner pour faire 6 km/h. Découragé, je surveille dans mon rétroviseur un véhicule. Alors qu'arrive une camionnette, je tends le pouce, mais mon charme et me beauté n'ont aucun effet sur le conducteur taciturne. Sur cette route perdue, il n'y aura pas d'autres âmes motorisées.
Alors que l'ascension est pratiquement terminée, il est 8h40. Sans doute en raison de la fatigue accumulée, mon état d'esprit s'altère. Passé et futur s'évanouissent. Il n'y a plus que le présent, toute mon attention étant concentrée sur l'effort. Une nouvelle pente, encore plus abrupte que la précédente se dresse devant moi. Pour n'importe quel observateur, l'activité serait d'une futilité absolue. Pas pour moi. À quelque part, au fin fond de mon esprit, il y a cette idée que tout ce qui monte doit redescendre ;-)
8h50. Débute la descente. Je pédale à fond. 50, 60, 70 km/h. J’ai l’impression de flotter sur la route. À plusieurs reprises je prends des décisions peu éclairées sur mon parcours. Droite, gauche, gauche, droite. 8h55, j'arrête demander mon chemin: "Water-taxi? » « You will see a blue building.". Ok. Debout sur mes pédales, Fidel se tord sous la force de mes mollets. 8h59. Je vois un bâtiment bleu, un quai, ce fameux bateau taxi et des passagers qui abordent. Problème; je ne vois pas comment atteindre le bateau de la route. Sans descendre de selle, je passe la porte et entre dans le bâtiment. Un employé derrière le comptoir ne remarque pas l'image insolite que je projette, absorbé dans la lecture d'un ouvrage littéraire. "For the boat?" "On your way". Me voilà à pédaler dans un restaurant, naviguant entre les tables et les chaises! J’atteins la porte conduisant au quai et y roule quelques mètres. Le capitaine prend mes sacoches. Je monte Fidel sur l'embarcation. Nous partons. 9h00.
Écrasé sur un siège du navire, j'ai l'impression que les muscles de mes jambes vont sortir de ma chair. Mon cerveau a la bonne idée de libérer alors une généreuse charge de sérotonine, dopamine, endorphine et sûrement bien d’autres choses encore. Me voilà euphorique.
J'aurais l'occasion de discuter avec l'un des passagers. Ils sont tous d'un groupe souhaitant comme moi effectuer la ballade des Tablelands. On me prévient que celle que j’ai prévu pour demain, le Gros-Morne, est paraît-il difficile. Je ris.
À la sortie du bateau, j'aurai encore à monter des montagnes de côtes (ou plutôt des côtes de montagnes), mais je le ferai sur un tout autre rythme. Passage à l'information touristique de Parcs Canada, puis enfin, la randonnée tant attendue. C'est majestueux et la guide est très intéressante. Tel que prévu, après une heure le ciel s'obscurcit. Je reviens sur ma monture, et une forte pluie nous inonde alors plus que généreusement. Je passerai l'heure suivante dans un petit café près du quai, dégustant un délicieux et roboratif chowder. Petite épicerie et retour à Rocky Harbour où j'ai pris une chambre dans un motel. Bonne idée, c'est le déluge.
05/09/2017
Rocky Harbour
23 km (Total: 1693 km)
Aujourd'hui est une journée importante. Les prévisions météorologiques se sont confirmées, on annonce 24 degrés, ensoleillé. Hourra! J'ai prévu un peu de vélo, en fait juste assez pour une sortie de trekking, le Gros-Morne.
Sur mon chemin, il y a le centre d'interprétation. Petit arrêt, plein d'information, employés affables, bien sympathique que tout cela. Puis, montées et descentes pour rejoindre le début du sentier. On estime entre 6 et 7 heures le temps nécessaire pour effectuer tout le parcours. Divulgâcheur, je vous annonce que je le ferai en 5h30.
Les souliers de randonnée ont ici toute leur raison d'être. Beaucoup de pierres, souvent humides, un peu de boue, un peu de marche en forêt. En fait, le sentier est impeccablement aménagé. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est facile, mais ça demeure accessible pour n'importe qui d'un peu en forme. La vue sur la montagne est imprenable, au loin on aperçoit même les Tablelands. Le plus formidable pour moi fut le retour. On longe alors le Gros-Morne dans une vallée et c'est sensationnel. Recommandé!
Retour tranquille, quelques grosses côtes, mais bons, on s'en fout avec la tête pleine d'images incroyables.
Pour ce soir, c'est le camping. L'épicerie de Rocky Harbour présente deux petites rangées d’aliments. À priori, j’ai l’impression d’être dans le paradis des végétariens souhaitant perdre du poids. En cherchant bien, je trouve deux tomates, un poivron, du fromage, un bocal de salsa et des pains à tortillas. Je mangerai de bon appétit ;-)
06/09
Deer Lake
73 km (Total: 1766 km)
Et voilà, c'est la dernière journée. Il pleut. En analysant les prévisions, je constate qu'à ma destination, Deer Lake, aucune pluie n'est prévue. Puisque j'aurai à passer la nuit à l'aéroport, ne souhaitant pas avoir les souliers mouillés, je décide de partir en gougounnes. Il y a un peu plus de 60 kilomètres à faire, ce qui ne me semble pas beaucoup et n'ayant pas trouvé de café ou de terrasse pour passer le temps à destination, flâne, me bourre de tortillas, mais finis tout de même par quitter.
Pour les sandales, ça va. Pour la pluie, après une heure il n'y en a pratiquement plus, alors c'est bon. Mais quatre autres éléments vont faire de cette journée une très mauvaise expérience. Un très fort vent de face, un parcours très vallonné, beaucoup de trafic et presque aucun accotement. Ça sera ma pire expérience de vélo de tout le voyage, et de loin. J'arriverai en début d'après-midi, quelque peu de mauvaise humeur. Je considère alors aller à la plage, mais imaginant tout le plaisir que j’aurais à être sandblasté, je prends le chemin de l'aéroport.
Une seconde mauvaise expérience m'attend. Alors qu'avant mon départ j'avais pris soin de m'assurer qu'Air Canada me fournira sur place le nécessaire pour emballer ma bicyclette, il n'y a rien en ce sens. Pire, je dois absolument emballer Fidel dans un contenant rigide. Il est 14h00 et je suis loin de tout. La préposée d'Air Canada me souhaite bonne chance. F**k!
Il y a de bonnes gens en ce monde. L'aéroport de Deer Lake présente un kiosque d'information touristique et l'employée, suite à la narration de mon problème, va déployer tous les efforts imaginables pour m'aider. Nous réussissons à contacter un vélociste à Corner Brook qui a une boîte gratuite pour moi. C'est tout de même à plus de 50 kilomètres. Je m'imagine mal parcourir 100 kilomètres à vélo, dont la moitié avec un énorme amas de carton. La dame réussit alors à rejoindre un chauffeur de taxi qui de Corner Brook, viendra travailler à l'aéroport pour 18h00. Il accepte de m'apporter le colis pour 25.00$. De bonnes gens je vous dis.
Mon vol partant à 5h30, et soit dit en passant ne m'ayant coûté qu'un peu plus de 200.00$ pour le trajet Deer Lake - Toronto, Toronto - Montréal, j'aurais bien des heures pour effectuer le démontage partiel de Fidel, l'emballage, la répartition des bagages entre mon sac à dos et la boîte de vélo (où j'ai droit à 50 lb). En milieu de soirée, je mange un peu au seul restaurant de l'aéroport, puis vais lire, écouter des balados et plus ou moins roupiller.
J’aurais le temps de calculer que, sur les 26 jours du voyage, j’en ai réellement pédalé 15, réalisant en moyenne un peu plus de 110 kilomètres par jour.
Tout se passera bien. Ma monture sera récupérée à l’aéroport de Montréal et un bon ami viendra me chercher.
En conclusion, ce fut un très chouette voyage à vélo. Des paysages inoubliables, 95% dans des situations confortables, pas trop de dénivelés, pas trop de problèmes mécaniques, de belles rencontres, du bateau, de l'avion, une vraie aventure quoi et pour un montant plus que raisonnable. Recommandé!