L'important c'est le voyage, pas la destination

mardi, septembre 09, 2008

Magog - îles de la Madeleine - Quatrième (et dernière) semaine

16/08
Souris - 102 km

Grosse journée! Après une courte distance, nous prenons un premier traversier, gratuit, nous amenant de la Nouvelle-Écosse à l'Île-du-Prince-Édouard. Ensuite, nous parcourons un long chemin vallonné passant entre bien des champs de patates. Il n'y a pas beaucoup d'accotement, ni de trafic heureusement, mais les maringouins sont voraces. Nous arrivons finalement à Souris vers l'heure du souper. Hélas, le traversier ne part qu'à 2h00 du matin. Bien sûr, nous aurions pu prendre celui de 14h00 si nous avions été des "vrais" ;-) , i.e. si nous avions parcouru les 100 kilomètres séparant les deux navires dans l'avant-midi. La chose aurait été sans doute possible en se levant à 5h00 et en ne prenant aucune pause par la suite. Hum, voilà qui ne correspond pas à notre conception de vacances :-)

Note pour le cyclotouriste. Aux toilettes de la "gare" du traversier, il y a une douche. Un simple dollar te permettra de te laver ainsi que tes vêtements. Mes souliers? Oui, oui, ils puent encore le vomi fermenté :-(

La soirée est longue. Stef en dort une partie. Je regarde distraitement la télé. Ce n'est pas le moment le plus palpitant du voyage. J'irais bien chercher une pizza à Souris, mais il pleut et je suis engourdi par cette triste ambiance. J'écoute Jacques Languirand et son "Paaar quatre chemins" (http://www.radio-canada.ca/radio/emissions/emission.asp?numero=26) sur l'Ipod. Stef se réveille et je m'endors à mon tour.

Finalement, le bateau arrive. Nous embarquons en premier, avantage cyclotouriste, et allons explorer le bateau. Cinéma, cafétéria, boutique, bref bien des services dont nous ne sommes nullement intéressés. Nous souhaitons simplement dormir, comme tous les autres passagers d'ailleurs.

Note pour le cyclotouriste. Si tu fais le passage de nuit comme nous, apporte ton matelas, ton oreiller et ton nounours de tes sacoches. Monte le tout entre deux rangés de sièges, dans la garderie où à n'importe quel coin tranquille. De toute façon, c'est ce que chacun va faire. Tu pourras ainsi dormir quelques heures dont tu apprécieras chaque minute le lendemain ;-)

P.S: Bon anniversaire Julie!


17/08
Cap-aux-Meules - 65 km

Un peu zombis, nous descendons du traversier et, ô joie, il ne pleut pas. Nous allons monter notre tente chez des accueillants Madelinots et, libérés de plusieurs kilos, partons à la découverte des Îles. Notre destination sera La Grave, un endroit plutôt touristique dont, pour l'atteindre, il faut longer plusieurs kilomètres de dunes. Nous sommes ravis par les superbes paysages, très exotiques pour un territoire québécois.

Note pour le cyclotouriste. Les Îles de la Madeleine sont tout de même vallonnées. N'espère pas trop t'y reposer les mollets. En plus, il y vente toujours et souvent assez fort. Prévois tes itinéraires conséquemment. Si ta bicyclette est dotée de pneus assez larges, tu gagneras en liberté, certains sentiers n'étant pas asphaltés.

Nous allons souper à La Factrie. Il s'agit en fait de la cafétéria d'une poissonnerie commerciale. Côté décor, même s'il y a un effort, disons que ça ne paie pas de mine, mais nous y mangeons la plus généreuse et savoureuse assiette du pêcheur jamais dégustée pour un prix très raisonnable. J'en salive encore.

Le retour se fait dans la douce nuit. Oui, oui, l'expérience nous profite, car cette fois-ci nous avons de quoi nous éclairer ;-)


18/08
Cap-aux-Meules - 36 km

Cette nuit de sommeil fut incomparable à celle précédente sur le traversier. Plus reposés qu'hier, nous partons pour Hâvre-aux-maisons et là, c'est un vrai coup de foudre. Le panorama est des plus séduisant. Côté activités, nous effectuons les visites de la fromagerie Pied-de-vent et du Fumoir d'antan, flânons à la plage et au café-resto "Les pas perdus" et finissons par retourner à la maison pour passer une partie de la soirée avec Catherine, notre aimable hôtesse.


19/08
Cap-aux-Meules - 25 km

Avec la pluie annoncée en soirée, nous demeurons à Cap-aux-Meules. Ballade sur un chemin pas toujours facile, mais présentant un autre paysage inoubliable.

Nous aurions dû quitter ce matin en prenant le traversier pour l'Île-du-Prince-Édouard, mais nous avons trouvé une alternative... Ce soir, la croisière les Îles, Chandler, Québec, Montréal quitte le quai. Nous y avons pris une cabine pour effectuer la navigation de nuit jusqu'à Chandler. De là, nous prendrons l'autobus qui nous amènera à Montréal.

Non seulement cette initiative nous permet de passer une journée supplémentaire aux Îles, mais nous ne dormirons pas dans la tente cette nuit et bénéficierons de repas préparés pour nous. Le coût est conséquent, mais en additionnant les prix de ce que nous évitons; le traversier, des campings et le fait de prendre des autobus de deux compagnies plutôt qu'une pour un trajet plus long, c'est comparable. On ne verra pas Charlottetown par contre. Peut-être le prochain voyage?

Sur le navire on nous sert une collation qui nous apparaît un souper, et puis, c'est à volonté ;-) Quelques parties de San Juan et de Schotten-Totten et Stef est morte. Je vais finir la soirée au cinéma (si, si) pour voir "Finding Neverland" en compagnie de passagères en pleurs et gens plus âgés.


20/08
Chandler - 12 km

Déjeuner à volonté sur le bateau et trèèès longue journée à Chandler. Il fait gris, vente, pleut un peu et l'autobus n'est qu'à 15h20! Une fois les billets d'autobus achetés, que faire de cette journée? Nous optons pour le petit centre commercial où nous serons à l'abri. Soucieux du devenir de nos vélos et de tous les bagages qui y reposent, nous obtenons du concierge la permission de ranger le tout dans son cagibi. J'apprécie énormément. Ce sera lecture ("Anticancer", David Servan-Schreiber), promenade à pied, jeux de société, dîner et enfin, départ en autobus... pour 15 heures de route.

Le voyage est tout de même un peu amusant car nous avons déjà effectué cet itinéraire en vélo. On y reconnaît des endroits et, grand plaisir, arrêtons à Carleton où il reste une et une seule brioche à "La mie véritable". Quelle joie de goûter de nouveau cet excellent dessert qui a mérité un commentaire dans "Le guide du routard"!.

Nous écoutons un "Remarquable oublié" (http://www.radio-canada.ca/radio/profondeur/remarquablesoublies/accueil.html), mangeons des chips et essayons de dormir. Je lis "Toute l'histoire du monde" (Barreau, Bigot).


21/08
Montréal - 2 km

La nuit fut difficile avec tous les arrêts, surtout celui de minuit pour effectuer un supposé ménage (il fut nécessaire de descendre) et un autre de 45 minutes, à 3h00 du matin. Peu importe, nous arrivons tel que prévu à 6h30. Nous remontons les vélos, installons les sacoches et roulons jusqu'à la maison. Douche, zzz...


Conclusion.
Je croyais sincèrement que nous effectuerions plus de 2000 kilomètres sur nos selles durant ces 4 semaines. Nous terminons avec 1345. Des regrets? Absolument pas. Que de défis relevés, que de souvenirs mémorables. Et puis, une pensée pour John de Calgary qui, plus expérimenté, nous avait dit qu'en cyclotourisme, les plus belles journées sont souvent celles où l'on pédale le moins ;-)

Côté équipement, mention d'excellence pour le Surly Long Haul Trucker. Les braquets, le cadre en acier, les indestructibles porte-bagages, les moyeux XT, la stabilité et le prix en font un très bon compagnon de route. Idem pour la tente Hubba Hubba et le réchaud Dragonfly, tous deux de MSR. Mention tout aussi honorable pour le service et les produits de MEC. Finalement, appréciation remarquable pour les souliers à cales Shimano MO75 permettant la marche confortable (Anecdote: à l'envers, le code se lit SLOW).

http://www.surlybikes.com/lht_comp.html
http://www.msrgear.com/tents/hubbahubba.asp
http://www.msrgear.com/stoves/dragonfly.asp
http://www.mec.ca

Je ne me considère toujours pas comme un cycliste, un sportif, mais simplement comme un individu ayant retenu le vélo comme moyen de transport. Ce véhicule (combiné avec l'autobus et le bateau)fut idéal pour voyager dans les maritimes. La vitesse à échelle humaine a permis des rencontres et des découvertes qui ne seraient jamais survenus en automobile. En plus d'être peu polluant, ni bruyant, le fait de réaliser une activité physique quotidiennement, en plein air, à son rythme, apporte un sentiment de bien-être inégalable. Nonobstant l'effort déployé durant mes vacances, je reviens énergisé et oui, reposé.

Le vélo pour s'engager sur la route du bonheur? Peut-être... Faites-en l'essai! :-)

Remerciements:
Francyne et Robert, la petite fille du dépanneur de Notre-Dame des Bois, le propriétaire de J3 Pizza à Lunenburg, Éric, Cindy & cie, les campeurs de New-York, la cycliste Néo-écossaise, le client de New-York du café (décidément, les gens de New-York sont gentils), FrameWork Cycle & Fitness, Catherine et Alexandre ainsi que Ghislain. J'en oublie sûrement. Merci à vous aussi. Vous nous avez encouragés, soutenus et prêtés main-forte. Vous avez été vous aussi du voyage, car sans votre appui, nous n'aurions pas pu effectuer ce périple.

Et bien sûr, Stef, amie de toujours :-) Oui dis?

jeudi, septembre 04, 2008

Magog - îles de la Madeleine - Troisième semaine

09/08
Sydney - 0 km

Congé de vélo. En compagnie d'Éric, Cindy et trois de leurs enfants nous visitons le Miner's Museum. Des mineurs à la retraite nous font visiter une reproduction souterraine de leur ancien milieu de travail. Les conditions étaient très durs. Quant aux déplacements dans les galeries basses de plafonds, humides et sombres, c'est une expérience plutôt unique. Je ne sais pas si nous avons été chanceux, mais notre guide était un excellent raconteur qui savait comment maintenir l'attention de son public et témoigner de son expérience personnelle. Pizza pour tout le monde par la suite :-) On nous invite à une petite fête, mais je décline et m'endors rapidement. L'increvable Stef m'y représentera et sera séduite par le jeu vidéo RockBand. Voilà qu'elle veut ce jouet!


10/08
Sydney - 0 km

En matinée, Stef découvre les joies du Wii. Elle en veut un aussi. Bon, c'est pas tout, nous avons Louisbourg à visiter. Même s'il s'agit de ma troisième présence en ce lieu, je suis toujours aussi impressionné. C'est vraiment grandiose et les comédiens animateurs y créent un bel ambiance. Une autre attraction historique majeure qu'il faut visiter au moins une fois dans sa vie. Arrivez à l'ouverture, vous en aurez pour toute la journée. Le temps est gris, mais heureusement pas de pluie. Plus tard, Éric notre guide nous amène à une partie de pêche en mer, soirée au chalet et feux d'artifice. Comme les enfants, nous tombons dans les bras de Morphée dans la voiture. Zzz...


11/08
Broad Cove Campground - 70 km

Toujours aussi serviable, Éric nous donne des informations sur la Cabot Trail. Il l'a parcouru de diverses façons et la connaît très bien. Il croit que nous pouvons réaliser son parcours en 3 jours, ce dont nous doutons quelque peu, considérant ses capacités athlétiques bien supérieures aux nôtres. Bon, on se sépare et nous voilà repartis à l'aventure.

Après quelques mètres sur mon vélo, je constate que mon cyclomètre ne fonctionne pas. Mon oeil de lynx voit le problème: l'aimant servant à mesurer la vitesse qui est installé sur l'un des rayons a disparu. Peut-être lors du dernier voyage en autobus? Il faut savoir que lorsqu'on se déplace ainsi en compagnie de sa bicyclette, cette dernière doit voyager dans la soute à bagages, dans une boîte conçue à cet effet vendue par le transporteur. Pour faire entrer le vélo dans la boîte, il est nécessaire de faire pivoter le guidon et de démonter la roue avant, voire de démonter les pédales. Peu importe, me voilà avec une nouvelle difficulté. Inutile d'espérer pouvoir me procurer la pièce manquante par ici, nous ne verrons pas de vélocistes avant plusieurs jours. Hum, puisqu'il s'agit d'un simple aimant après tout, je pourrais peut-être le remplacer par ces souvenirs que l'on applique sur les réfrigérateurs. La suite est amusante, vous verrez...

Il bruine et le brouillard se lève. C'est peut-être mieux ainsi, on ne verra pas trop la taille des monstrueuses côtes qui nous attendent. À la base de la première, Smokey Mountain, deux cyclistes sont arrêtés dans l'accotement, peinant sur l'un de leurs vélos. Ils semblent perplexes devant leur problème. Hors de question dans les laisser dans l'embarras! Nous posons nos montures et allons leur donner un coup de main. Ils ont bien raison de se faire du souci, il n'est plus possible de faire amener la chaîne sur le grand pignon, ce qui est tout de même un sacré handicap sur la Cabot Trail! Grâce à notre concours et nos outils, le dérailleur arrière finit par effectuer son travail! Nos nouveaux amis Britanniques nous remercient et réjouis, nous remontons tous sur nos selles. À l'assaut!

"This was a descent hill" s'exclame l'un des Anglais une fois au sommet. Mets-en. Une &?%$"# de côte! Et il paraît que c'est la moins pire des trois. Bon, au moins on a réussi. Comme Stef me rejoint, mon (autre) oeil de lynx voit quoi? Mon aimant! Sur l'un des rayons de la roue avant du vélo de Stef! Mais c'est bien sûr! Lorsque nous avons remonté nos vélos après le dernier voyage en autobus, nous n'avons pas prêté attention aux roues et les avons interchangées. Tiens, j'ai aussi le cerveau du lynx ;-)

Comme les Anglais repartent, je remarque dans le brouillard à quel point un gilet doté de bandes réfléchissantes est important. Après quelques mètres seulement, c'est la seule chose que je distingue des cyclistes. Un simple objet augmentant considérablement sa visibilité, donc sa sécurité. Je suis soulagé de m'en être procuré un avant le départ et me promets de le porter régulièrement. Dans le même ordre d'idée, j'ai suivi la suggestion de Stef d'appliquer des autocollants réfléchissants sur le cadre de mon vélo et sur l'arrière de mon casque.

Note pour le cyclotouriste. Sois brillant, fais en sorte d'être visible, surtout de nuit ou dans le brouillard.


12/08
À 10 km de Cheticamp - 90 km

Au matin, un ours traverses la route nonchalamment devant nous. De petite taille, je cherche tout de suite du regard si sa mère est à proximité. Heureusement, il ne s'agit que d'un adolescent solitaire. Il prendra la fuite devant les premières voitures.

Aujourd'hui, nous affronterons non pas la côte, mais la montagne "Cape North". 445 mètres de montée. C'est long, très, très long. Les voitures et les motos nous dépassent lentement, dégageant une forte odeur d'huile brûlée. Notons que plusieurs passages voient leur vitesse limitée à 30 km/h. Je monte lentement. La fatigue s'installant, je commence à zigzaguer d'une voie à l'autre pour reprendre mon souffle. Et puis, victoire! Le sommet est atteint. Alors que nous prenons un peu de repos (sous la pluie), les motocyclistes qui passent nous saluent. Respect! Il faut repartir, il fait vraiment trop mauvais. La looooongue descente sera bien agréable, un orignal et un aigle nous regardant passer sans broncher.

En bas, un parc nous permettra de cuisiner à l'abri et... de dormir. Nous sommes très fatigués et pensons passer la nuit ici. Décidément, nous ne sommes pas à la hauteur des espérances d'Éric. Mais, des barbares envahissent notre refuge et après quelques secondes de réflexion, nous préférons nous lancer à l'ascencion d'une deuxième montagne: French Mountain, 455 mètres!

C'est un beau lacet, doté de nombreux points de vue, dont nous profiterons de chacun ;-) Allez donc savoir comment, nous réussissons la montée. Nous sommes transportés de joie! Nous avons réalisé le pire de la Cabot Trail en deux jours. Nous ne sommes peut-être pas des athlètes, mais nous avons démontré de la vaillance et du coeur au ventre. Un indescriptible sentiment de fierté nous envahit!

Alors que nous célébrons, nous faisons une rencontre mémorable. Trois cyclistes, semblant sortir de nul part, sans bagages aucun, s'arrêtent près de nous et s'allument chacun une cigarette! Des surhommes! Puis, ils repartent en riant. Respect!

Nous finissons la journée dans un camping sans service. Il nous reste peu d'eau et guère de nourriture. Nous réussirons tout de même à composer un repas avec nos restes: un couscous aux figues, oignon rouge et noix et... des pâtes au pesto que des campeurs plein de compassion nous donnent généreusement. Il n'en restera rien.


13/08
À 10 km de Baddeck - 88 km

Sans eau hier et aussi très fatigués, nous n'avons pu nous laver. C'est à partir d'ici, et encore aujourd'hui, que mes souliers vont dégager une odeur révoltante :-( De très fortes averses en matinée nous obligent même à porter des sacs de plastiques sur nos bas, générant un véritable remugle pestilentiel. Pouah! Pour nous remonter le moral, un bon vent de dos et du soleil pointant son nez en fin d'après-midi nous font enfin jouir du spectaculaire paysage. Une cycliste nous donne des biscuits aussi, ce qui ne gâche rien. Le mots me manquent pour décrire ce que nous ressentons à la fin de cette troisième journée sur la Cabot Trail, l'une de mes plus belles expériences de cyclotourisme.

P.S: Bon anniversaire Éric!


14/08
Sydney! - 10 km!

Nous arrivons à Baddeck où l'on se promet un bon déjeuner. Nous arrêtons à l'info touristique et une employée que nous appellerons "la dame à la blouse blanche" fait preuve d'un remarquable professionnalisme en répondant à toutes nos questions en deux minutes et avec le sourire. Elle nous recommande un café qui semble correspondre exactement à ce dont nous rêvons.

Nous garons nos vélos entre un mur extérieur du dit café et une fourgonnette. Nonobstant nos sacoches, il y a suffisamment de place pour nous laisser passer, ce qui fait s'envoler tout inquiétude. On monte sur la terrasse et consultons l'alléchant menu. Alors que Stef est à l'intérieur, j'entends un monstrueux son de frottement provenant de l'endroit où sont situés nos vélos. Je pars à la course et, horreur, aperçoit mon Surly coincé entre le mur et la fourgonnette, la roue avant ayant perdu irrémédiablement sa forme circulaire.

Je crie à la conductrice de cesser d'avancer. Cette dernière, que nous nommerons "la dame à la blouse verte", m'annonce bêtement qu'elle est pressée! Je regarde mon vélo suspendu entre ciel et terre et ne sais plus à quel saint me vouer. Un client de la terrasse me rejoint alors que la dame veut faire avancer son véhicule, ce qui évidement va accroître les dommages. Je lui demande de ne rien faire. Je saute par dessus le vélo et, à l'aide du client, dégage la bicyclette. L'automobiliste me dit que le vélo devait être appuyé sur son véhicule puis, elle répète qu'elle est pressée. Je lui dis donc de quitter et évalue les dégâts...

Une partie de la roue avant est considérablement tordue. Suffisamment pour qu'il ne soit plus possible de l'employer. La fourche a perdu elle aussi sa forme originale. Idem pour l'un des porte-bagages. En plus, une sacoche est endommagée. Bref, je ne peux plus rouler.

Dépité, je retourne à la terrasse m'asseoir. Mes embêtements ne sont pas terminés, car j'y constate alors que je saigne abondement du genoux droit. Le liquide rouge s'écoule de nombreuses blessures, dont une laissant pendre un bon morceau de chair. Lorsque j'ai passé par dessus le vélo, à moins que ce ne soit lorsque je l'ai dégagé, les dents d'un plateau du pédalier se sont profondément enfoncés dans ma jambe. #/$%*! Jugeant déplacé de débuter une démonstration de couture à la vue des autres clients, je pars aux toilettes du café avec ma trousse de premiers soins exercer mes compétences de secouriste :-(

Même si le repas est excellent, vous comprendrez qu'il m'est difficile de lui rendre honneur. Je le termine en vitesse en discutant de la suite avec Stef. Je vais parler aussi à des résidents de l'endroit. Ceux-ci m'indiquent qu'il n'y a pas de vélocistes à Baddeck, les plus proches étant à... Sydney! Ne voyant pas de téléphone public à proximité, je propose de revenir à l'info touristique, située à moins d'un kilomètre. Stef prends mes sacoches avant sur son vélo et, soulevant la partie frontale du mien par le guidon, notre drôle d'équipé fait son chemin.

Une fois sur place, nous allons réfléchir sur un banc à l'extérieur. Deux solutions s'offrent à nous. Finir le voyage ici et prendre l'autobus pour Montréal ou demander de l'aide à Éric en espérant qu'il puisse venir nous chercher et que le vélo soit réparable à Sydney. J'entre donc dans l'info touristique pour y employer le téléphone public et qui vois-je derrière le comptoir? "La dame à la blouse verte"! Euh, je crois avoir définitivement perdu la raison et ne prête pas vraiment attention à ce que j'ai vu. Je passe mon coup de fil et Cindy m'indique qu'Éric sera de retour dans quelques minutes. Je ressors donc.

Confus, je décide d'en avoir le coeur net et pars explorer le petit stationnement. Je vois effectivement la fourgonnette qui a détruit mon vélo! Incroyable! La réalité dépasse la fiction! Je retourne prendre place près de Stef pour lui faire part de ma stupéfiante découverte.

On passe un peu de temps bouche bée puis, on revient à la réalité. Il faut tout de même s'informer pour l'autobus dans le cas où Éric ne pourra venir nous chercher. Jugeant préférable que je ne me présente pas à la "dame à la blouse verte", c'est Stef qui entre dans le bureau. Elle en ressort enragée. On lui a indiqué que le terminus était à quelques kilomètres, mais qu'on ne pouvait lui remettre l'horaire, car il ne leur restait qu'un exemplaire. Quel service désolant :-|

"La dame à la blouse blanche" sort et nous propose son assistance. Elle est très serviable et super gentille. Je la remercie et lui indique que j'espère de l'aide de mon copain.

Après 30 minutes je retourne à nouveau dans le bureau pour passer un second coup de fil. "la dame à la blouse verte" fuit mon regard. Je parle à Éric et lui explique ce qui s'est produit. Il est disponible et viendra nous chercher. Quel bon ami. Après que j'ai raccroché, des clients ayant entendu ma conversation viennent m'offrir leur assistance. Ça fait tout de même chaud au coeur.

Une fois dehors, "la dame à la blouse verte" vient s'excuser. Je lui dis qu'un ami vient nous chercher et que je vais faire effectuer les réparations. Elle retourne dans son bureau et nous partons vers le "Alexander Graham Bell Museum" (2 kilomètres). Chemin faisant, une commerçante nous demande pourquoi nous marchons ainsi. Une fois l'explication entendue, elle offre son aide elle aussi. C'est vraiment apprécié.

La visite du musée est très enrichissante et nous fait oublier notre mésaventure. Puis, tel que promis, Éric est là et nous partons pour Sydney. Une fois rendu, nous avons deux vélocistes à visiter. La première boutique semble administrée par deux adolescents dont le dévouement est inversement proportionnel à la qualité des pièces de leur inventaire. La vue d'une fourche à amortisseurs de type Canadian Tire me fait frissonner. Stef bave de jalousie à l'idée d'un vélo au look "Mad Max". Euh, mettons qu'on reviendra si on ne trouve pas mieux.

Le second vélociste (FrameWork Cycle & Fitness) vend des produits plus haut de gamme. En discutant une bonne heure, nous atteignons un solution mutuellement profitable. Il va démonter la fourche d'un Devinci Caribou et me vendre une roue de cyclotourisme suffisamment résistante pour terminer le voyage. Le tout sera prêt demain matin. Excellent!

J'ai faim. Tout le monde à la brasserie!


15/08
Trenton Park - 12 km!

Nous profitons de la matinée pour exploiter le service internet d'Éric. Avec toutes ces histoires et ce retour à l'est, il nous apparaît impossible de se rendre au Îles de la Madeleine, en profiter quelque peu, et rouler jusqu'à Charlottetown afin de prendre l'autobus pour être de retour le 24 août, notre dernière journée de vacances. Ce sera donc l'autobus jusqu'à New Glasgow, près du traversier qui nous conduira à l'Île-du-Prince-Édouard... si le vélo est bel et bien utilisable!

Finalement, le monstre de Frankenstein vit! Non seulement la fourche Devinci va trahir mes origines saguenéennes, mais en plus est elle couleur bleuet! Pour l'ancienne, les mécaniciens l'ont tellement trouvé tordue qu'ils l'ont clouée au mur de leur atelier! Quant au porte-bagages, il a été remis en forme.

On prend donc (encore) l'autobus. Le véhicule est confortable et on y rencontre un Autrichien en visite au Canada. Il est impressionné par la taille de notre pays. Le conducteur est très attentionné (c'est le même qui nous a conduit d'Halifax à Sydney) et joue le guide touristique. Une fois rendu, nous devons parcourir quelques kilomètres dans le noir pour trouver le camping. On évite les partys en montant la tente entre deux roulottes. Zzz...